Tracer sa voie en restant soi-mĂȘme - Rencontre avec Anissa
Mais aussi : récap introspectif, job-board (chloré) et deuil de soi
Aujourdâhui je te propose une session en eaux libres pour parler : construction personnelle, mĂ©ritocratie, et insertion professionnelle. (Combinaison recommandĂ©e.)
Cher·es habitué·es du bassin : whalecome back et merci dâĂȘtre ici !
Aux newbies qui ont rejoint le swimming club â soit, cette lettre numĂ©rique â ces derniĂšres semaines : whalecome đđŸââïž
Dans cet espace, on plonge ensemble de maniĂšre randomadaire1 Ă lâintersection entre le sens, lâimpact (socio-Ă©cologique) et lâinclusion. Pour ce faire, on file la mĂ©taphore de la natation pour parler du monde dans lequel on essaye de trouver sa place (aka, sa ligne de nage).
Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire pour tâaider Ă la naviguer.
Avant dâaller plus loin tu peux :
đđŸââïžÂ Te rendre visible auprĂšs des swimmers en sponsorisant une Ă©dition.
đđŸââïžÂ Soutenir La piscine avec un don ou en prenant une place au Spa (lâespace de contenu additionnel).
đđŸââïž Rejoindre la swimming-team â aka, me suivre â sur Linkedin.
Sur ce, bonne sĂ©ance đ
đŁÂ au programme
Ăditâeau â Keeping it short (1min)
Se construire sur des fondations solides â Anissa Bacar (18min)
Swimmer recherche club de nage â Le job board de La piscine (1min)
Quelques ressources pour aller plus loin (1min)
đ Â Ă©ditâeau â keeping it short
LâĂ©dition du jour Ă©tant (trĂšs) longue, je vais (essayer de) faire court.
Avant toute chose : coucou toi ! Comment ça va ?
JâespĂšre que tu es passé·e au travers des inondations et de la grippe ces derniers jours â sinon, je tâenvoie full force et courage ! Ici, câest mitigĂ©. Je continue ma nouvelle exploration amorcĂ©e cet Ă©tĂ© â suite Ă mon plongeon dans mon dossier dâadoption â, et âŠje nâai jamais autant bassinĂ© les gens avec cette histoire.
Certes, jâadmets avoir â peut-ĂȘtre â sur-simplifiĂ© le processus.
(Dans mon esprit, câĂ©tait clair, jâallais :
âš Ouvrir mon dossier âš
âš Retrouver toutes les piĂšces constitutives de mon histoire et rĂ©pondre Ă lâensemble des questions identitaires mâhabitant âš
âš Fermer mon dossier et vaquer Ă mes occupations avec toute la confiance dâune personne qui se connaĂźt jusquâau bout des palmes âš)
Mais quand mĂȘme.
LĂ , jâai la sensation dâexpĂ©rimenter 50 shades of « la courbe du deuil » dont parlent tous·tes les pros du devâ perso sur des temporalitĂ©s variables â une conversation, une lecture, une journĂ©e etc. â ET dâavoir mille idĂ©es qui cohabitent sur « comment me (rĂ©)approprier » mon identitĂ©.
Le tout en continuant Ă vivre ma vie quotidienne ; câest weird.
En tout cas, je suis tout autant impressionnĂ©e du soutien trouvĂ© â merci les swimming-buddies â, que de la multitude que nous sommes Ă avancer dans le brouillard.
Je suis encore en rĂ©flexion sur lâorganisation de la ligne Ă©dito, mais en attendant de voir ce qui Ă©mergera de cette immersion, passons Ă la sĂ©ance du jour avec Anissa !
Fasten your bouĂ©e, weâre about to take off đđŸââïž
đđŸ Instant auto-promo : remember le parcours introspectif « Explorer ses identitĂ©s pour se trouver » dont je te parlais aussi la derniĂšre fois ? Itâs almost there!
Si tu veux le dĂ©couvrir en avant-premiĂšre, la page de vente est terminĂ©e. Sache que te prĂ©pare une surprise pour le lancement en collaboration avec une coach. Stay tuned â ou envoie moi un email si tu veux faire partie des bĂȘta testeur·ses.
đŠ champagne & piscine Ă dĂ©bordement - le clichĂ© de la mobilitĂ© sociale
Lâascenseur social nâest pas cassĂ©.
Du moins, câest ce que le tsunami de rĂ©cits Started from the bottom (of the sea) now we here nous raconte. Entre :
â LĂ©na Situations â de son vrai nom LĂ©na Mahfouf â, lâinfluenceuse française la plus suivie aujourd'hui qui cumule les sacres depuis ses premiĂšres vidĂ©os tournĂ©es dans sa chambre de bonne. (Elle a : Ă©tĂ© tĂȘte dâaffiche de diverses campagnes publicitaires dans le luxe, Ă©crit un livre, assistĂ© Ă plusieurs Ă©vĂšnements de la Fashion Week, etc.) ;
â Michou â un des youtubeurs les plus en vogue actuellement. Originaire du nord de la France2, le jeune homme est un des premiers du milieu internet Ă avoir Ă©tĂ© adoubĂ© par le secteur tĂ©lĂ©visuel en sâassociant Ă TF1 pour lancer une Ă©dition Danse Avec Les Stars dâInternet en 2024 ;
â La petite sirĂšne3 ;
â Etc.
On en vient à percevoir la mobilité sociale comme un processus aussi banal que fulgurant dans la société.
Oui mais.
MalgrĂ© la caisse de rĂ©sonance quâoffre internet dans lâamplification de ces rĂ©cits dignes des contes de Perrault ou dâAndersen, dans le paysage français, ces histoires relĂšvent de lâanomalie. Dis toi queđđŸ
đđŸââïž Selon lâOCDE, en France, il faut en moyenne 6 gĂ©nĂ©rations pour quâune famille pauvre atteigne un niveau de revenu considĂ©rĂ© comme moyen. (Oui, on vit dans un monde oĂč grimper lâEverest â en partant de 0 â prend moins de temps que gravir lâĂ©chelle sociale.)
En plus, la statâ date dâavant COVID. Depuis, lâĂ©cart continue Ă se creuser et lâInsee recense de plus en plus de dĂ©classement social.
Les calculs sont pas bons KĂ©vin, le bateau social prend lâeau.
đđŸââïžÂ 5% des Ă©tudiant·es entré·es en 6Ăšme vont en grande Ă©cole. Et, depuis 1980s, on remarque un ralentissement dans la dĂ©mocratisation des grandes Ă©coles â alors que lâaccĂšs Ă lâuniversitĂ© est de plus en plus aisĂ©. (Source : SĂ©nat, 2021).
đđŸââïž Enfin « AprĂšs lâobtention du bac, un enfant issu dâune famille de cadres aurait 8 fois plus de chances dâaccĂ©der Ă une classe prĂ©paratoire aux grandes Ă©coles quâun enfant dâemployĂ©s ou dâouvriers et 15 fois plus de chances de faire une grande Ă©cole de management. » Imposer une mixitĂ© sociale Ă lâĂ©cole ? Le cercle des Ă©conomistes, 2023
De mĂȘme, « Ă la fin des annĂ©es 1950, moins de 3% des enfants d'ouvriers intĂ©graient l'X, alors qu'ils reprĂ©sentaient entre 30 et 40% de la population; aujourd'hui, ils comptent pour 1,1% des reçus (pour 19,6% d'ouvriers dans la population globale). Ă l'inverse, Ă la mĂȘme pĂ©riode, les enfants de cadres Ă©taient prĂšs de 50% Ă rejoindre Polytechnique alors qu'ils reprĂ©sentaient moins de 5% de la population; aujourd'hui, ils constituent 81% d'une promotion » Slate
Câest glaçant.
Vraiment, de toutes les coupes, on ne ramĂšne que les mauvaises Ă la maison.
MalgrĂ© tout, certain·es arrivent encore Ă passer entre les mailles du filet du dĂ©terminisme social pour « infiltrer » des environnements a priori inaccessibles. Parmi elleux, se trouvent Anissa Bacar, RH chez Breega â dont je te reparle dans une minute.
Ă lâorigine, je pensais rĂ©diger une Ă©dition centrĂ©e sur « Trouver sa place quand on est une personne minorisĂ©e dans un environnement pro trĂšs homogĂšne ? » Finalement, en me lançant dans la rĂ©daction, je me suis rendue compte que les rĂ©ponse Ă mes questions se trouvaient dans plusieurs Ă©lĂ©ments constitutifs du parcours de nage dâAnissa. (AprĂšs tout, câest normal đ)
Je te propose donc de plonger ensemble dans la chronologie de son Ă©volution pro et perso pour essayer de mieux comprendre les Ă©lĂ©ments qui lâont aidĂ© Ă sâancrer et explorer sa place dans le grand bain.
đđŸ  Un·e swimmer tâa transfĂ©rĂ© la Ploufletter ? (Merci Ă ellui) Abonne toi pour recevoir les prochaines lettres đđŸ
cette fois on touche le fond·s - point vocabulaire đĄ
Disclaimer : cette Ă©dition nâest pas sponsorisĂ©e, mais comme on Ă©voque son poste actuel chez Breega pendant lâentretien, voici une petite prĂ©sentation de l'entreprise pour de ne laisser personne sur le bord du bassin.
Breega est un fonds dâinvestissement crĂ©Ă© en 2013. Pour celleux qui ne seraient pas familier·es de lâĂ©cosystĂšme startup, un fonds, câest comme une cagnotte dâanniversaire ; sauf que les sous rĂ©coltĂ©s sont investis dans des parts dâentreprise et pas dans un saut en parachute. (Jâai essayĂ© de faire au plus simple đ)
TournĂ© de maniĂšre un peu plus corpo : un fonds câest un collectif dâinvestisseur·ses privé·es ou institutionnel·les qui apporte un soutien financier et humain aux entreprises. Selon les fonds, le secteur, la taille ou le stade de maturitĂ© des entreprises choisies diffĂšre.
Comme tu le sais peut-ĂȘtre, ce secteur reste trĂšs homogĂšne. Ăa mâintĂ©ressait donc dâavoir le point de vue dâAnissa sur la maniĂšre dont elle sây est taillĂ© une place. Dâautant plus que Breega fait partie de ceux qui ont dĂ©cidĂ© de prendre le virage de lâimpact depuis quelque annĂ©es.
đ€ż started from lâhĂŽtellerie now we here
Avant de commencer, un peu de contexte.
Jâai rencontrĂ© Anissa au dĂ©tour dâun de ses posts Linkedin sur la neuro-divergence. IntriguĂ©e par le sujet â que je ne maĂźtrise pas du tout â, jâai ventriglissĂ© dans ses DM pour en savoir plus sur son intĂ©rĂȘt pour la thĂ©matique et son expĂ©rience en tant que RH dans lâĂ©cosystĂšme startup.
Câest pendant cette premiĂšre discussion quâAnissa me parle : de son passage de Dunkerque Ă Paris, de son parcours en Ă©cole de commerce avant de travailler en grand groupe â Ubisoft â puis en startup â chez Pumpkin4 ⊠avant de passer de lâautre cĂŽtĂ© de la perche puisquâelle travaille aujourdâhui avec celleux accompagnent â financiĂšrement â les entrepreneur·ses dans leur dĂ©veloppement.
Pas-sion-nant, I know !
DâoĂč ce deuxiĂšme Ă©change, un jeudi aprĂšs-midi dâavril, en visio. Ce jour lĂ , le soleil est (presque) au rendez-vous â comme ma connexion internet5. De son cĂŽtĂ©, Anissa est installĂ©e dans son fauteuil. Je ne vois pas son bureau, mais je la soupçonne dâavoir ses notes â quâelle mâenverra ensuite â sous les yeux. AprĂšs tout, le programme du jour est chargĂ©. (Spoiler alert, on aura pas du tout le temps de balayer tous les sujets đ)
3, 2, 1, letâs go, on se lance Ă lâeau !
Tradition oblige, avant de plonger dans le dur, jâai commencĂ© par poser Ă Anissa ZE question : « Tu voulais faire quoi ou devenir qui quand tu Ă©tais enfant ? ».
« Moi quand jâĂ©tais plus jeune je voulais travailler dans lâhĂŽtellerie. Jâaime bien tisser des liens, rencontrer des gens et prendre soin dâeux. Un peu comme en RH en fait [rires].
Trop bien, comment ça tâest venu ?
Jâadore les beaux environnements, et jâaime prendre soin des gens. Mais je me suis vite rendue compte que financiĂšrement câĂ©tait pas possible. Les Ă©coles qui existent en Suisse coĂ»tent 25 000⏠lâannĂ©e. Aujourdâhui il y a Vatel en France, mais câest pareil. On paye 7 000⏠lâannĂ©e et, comme câest quelque chose de nouveau, tu ne peux pas savoir avec quoi tu en ressors derriĂšre.
Alors quâavec un parcours plus classique comme jâai fait, on fait un prĂȘt et on sait dans quoi on investit.
Ha je vois, tu fais partie de ces gens qui fonctionnent de maniĂšre super carrĂ©e ! [Spoiler alert : c'est vraiment le cas et câest impressionnant] »
Cette pensĂ©e rationnelle et long termiste, Anissa lâĂ©voque souvent pendant notre Ă©change. Ăa mâa rappelĂ© Ă quel point le choix dâorientation est, Ă lui seul, un marqueur social. (Et la possibilitĂ© de « prendre le temps de chercher sa ligne de nage », un luxe.)
đ poser les fondations - un environnement stable
Pour continuer lâimmersion, Anissa mâa reparlĂ© de sa famille.
Elle insiste sur lâimportance quâa jouĂ© ce socle â et la transmission :
đđŸââïžÂ Dans lâĂ©laboration de sa vision de la rĂ©ussite ;
đđŸââïžÂ Dans son dĂ©veloppement personnel et identitaire ;
đđŸââïž Ainsi que dans la construction de son parcours de nage acadĂ©mique.
« Jâai grandi Ă Dunkerque. La ville est trĂšs sympa. Enfin, quand mes ami·es y viennent, ils la trouvent trĂšs sympa [rires] !
Moi jâen ai une vision trĂšs famille. Quand jâĂ©tais jeune jâallais en cours, ou alors aux activitĂ©s avec lâĂ©cole, mais je voyais peu de gens hors de mon cercle familial.
Et tu peux mâen dire plus sur ton schĂ©ma familial ? Je me souviens que câĂ©tait quelque chose qui compte beaucoup pour toi.
Ma mĂšre a vĂ©cu Ă Nancy puis Ă Dunkerque. Elle vient dâun milieu assez prĂ©caire et nâa pas fait dâĂ©tudes. Mon pĂšre lui, au contraire est nĂ© en Afrique et a commencĂ© des Ă©tudes en arrivant en France. Comme il nâa rien trouvĂ© ensuite, il a pris un travail dans une usine oĂč il est toujours â je crois quâaujourdâhui ça doit faire 40 ans.
Et est-ce quâil a voulu reprendre des Ă©tudes ?
Non, il ne sâest jamais dit quâil allait reprendre, pour lui la rĂ©ussite allait vraiment passer par nous.
Ils en avaient quelle vision de la réussite ?
Pour mes parents, la rĂ©ussite Ă©tait assez figĂ©e. Ils voulaient que je fasse de la politique par exemple, câĂ©tait ce quâils voyaient Ă la tĂ©lĂ©vision donc câĂ©tait rassurant.
Pour permettre Ă cette vision dâĂ©clore, les parents dâAnissa sâappliquent Ă prĂ©server ces fondations solides. Tant en offrant Ă leurs enfants un cadre propice pour tirer profit de leur scolaritĂ©, et en les accompagnant au quotidien.
« Mes parents ont beaucoup insistĂ© sur la chance quâon avait dâĂȘtre dans un environnement familial sain. »
Une fois au lycĂ©e, lâentraide fraternelle prend le relai de celle familiale. Jâai donc questionnĂ© Anissa sur la maniĂšre dont chacun·e sâĂ©tait construit·e dans sa fratrie.
Tu es lâaĂźnĂ©e, câest ça ?
Non, jâai un grand frĂšre, mais il nâest pas du tout dans le schĂ©ma scolaire. Il sâest plutĂŽt construit dans le rejet de la vision parentale scolaire.
Et, il a quand mĂȘme « rĂ©ussi » comme il voulait ?
Oui ! Câest pour ça aussi que je sais quâil nây a pas un seul moyen de rĂ©ussir.
Comme je te disais, lâenvironnement joue beaucoup.
Je crois beaucoup Ă lâexpression amĂ©ricaine « Book smart, street smart » [« Se forger dans les livres ou dans la rue », ndlr]. Câest aussi en ayant des modĂšles qui nous permettent de nous dĂ©velopper quâon se construit.
Si Killian MâbappĂ© est devenu lâathlĂšte quâon connaĂźt aujourdâhui, câest parce quâil vient de quartier. LĂ -bas le foot est valorisĂ©, câest une vraie culture. Je ne suis pas sĂ»re quâil aurait eu la mĂȘme carriĂšre sâil Ă©tait nĂ© et avait grandi Ă Neuilly sur Seine.
[rires] Câest vrai !
đđŸÂ Si le sujet tâintĂ©resse, je tâinvite Ă te replonger dans la Ploufletter Lâor sinon rien oĂč nous avions abordĂ© la question de la (re)dĂ©finition de la notion de rĂ©ussite avec les fondatrices de Bissai Media. Nous avions aussi parlĂ© de cette lente acquisition du capital social, nĂ©cessaire Ă lâintĂ©gration et la survie dans les milieux dâadoption.
đĄÂ Dâailleurs, je te parlais de LĂ©na Mahfouf en introduction dâĂ©dition : câest sa culture de la mode â de son histoire, symbolique, etc. â qui a posĂ© les pierres de son succĂšs actuel dans le domaine. Le capital culturel a Ă©tĂ© sa porte dâentrĂ©e pour accĂ©der Ă des espaces restreints trĂšs codifiĂ©s. (Nâest pas adoubé·e par Anna Wintour â la rĂ©dactrice en cheffe de Vogue â qui le souhaite.)
đ sous les crocs, la plage - le travail comme mode dâadaptation
Une fois son bac obtenu, Anissa poursuit son parcours Ă Paris et plonge dans un nouvel environnement social â et culturel. JâĂ©tais super intriguĂ©e de savoir comment sâĂ©tait passĂ© cette adaptation, dâautant plus dans un contexte intense comme en prĂ©pa.
« Je suis allĂ©e Ă Janson, Ă Paris. Jâai pu avoir lâinternat dâexcellence.
Jâavais eu en premier Henri IV mais sans lâinternat. CâĂ©tait impossible pour moi de faire payer un loyer Ă mes parents donc je suis allĂ©e Ă Janson.
Jâavais pas compris que tu Ă©tais allĂ©e Ă Janson ! Jâimaginais un changement mais pas aussi grand. Comment ça sâest dĂ©roulĂ© le passage Ă Paris ? Câest sĂ»r quâil y avait un choc. Je suis passĂ©e de Dunkerque au 16Ăšme oĂč tout le monde avait le dernier sac Ă la mode, venait du mĂȘme milieu social.
Moi la mode ⊠[rires] enfin, ça a peut-ĂȘtre changĂ© aujourdâhui avec les rĂ©seaux mais moi câĂ©tait lâĂ©poque des Skyblog [RIP, ndlr]. Et la mode de Dunkerque, câĂ©tait la mode de Paris⊠il y a dix ans [rires].
Jâimagine ! Et les gens se connaissaient aussi non ? Comme câest une institution qui fait collĂšge-lycĂ©e.
Et non ! Il y a peu de lycĂ©ens qui font leur prĂ©pa Ă Janson. Mais dans la classe on avait surtout des parisiens â oĂč le programme dâapprentissage Ă©tait plus avancĂ© â, des personnes qui avaient fait des lycĂ©es internationaux â donc qui parlent trĂšs bien anglais et ont vu beaucoup de choses.
Jâai rencontrĂ© un groupe dâami·es dont je suis toujours proche aujourdâhui. Il faut savoir que mes trois potes ont fait HEC.
Tu vois, jâĂ©tais celle qui avait eu les meilleures notes au bac, qui avait les meilleurs bulletins, mais en prĂ©pa jâĂ©tais plutĂŽt milieu fin de classe. Parce que câest sĂ»r que tu pars avec des lacunes par rapport Ă des personnes dont la famille parle bien anglais, a des rĂ©fĂ©rences que tu nâas pas etc.
CâĂ©tait des gens dont les parents auraient pu payer une Ă©cole post-bac mais qui ont prĂ©fĂ©rĂ© faire une prĂ©pa, et qui avaient le goĂ»t du travail comme moi. On sâest rejoint sur ça et elles mâont aussi aidĂ©.
Oui donc vraiment depuis toujours tu as le cĂŽtĂ© travail. Et câest cool dâavoir pu rencontrer des personnes comme toi qui sâen fichaient de lâorigine pour se concentrer sur le reste.
Oui, et câest drĂŽle parce quâon en parlait lâautre jour avec des copines de prĂ©pa. Il faut savoir que je me baladais dans lâinternat en sarouel-crocs.
Je ne connaissais pas cette combi sarouel-crocs, je viens dâavoir une image mentale, jâadore [rires] !
[rires] Oui, moi ma prioritĂ© câĂ©tait pas de bien mâhabiller. Je voulais juste⊠mâhabiller.
Je vois tout Ă fait, jâai vĂ©cu le mĂȘme choc vestimentaire pendant mes concours. Jâai fait une prĂ©pa littĂ©raire pas Ă©co ou HEC â je ne sais pas trop comment on dit â, et je me souviens sortir de salle de concours en jogging et croiser des meufs de prĂ©pa commerce en talon le jour des Ă©crits et je me demandais « mais qui fait ça ? »
Je vois tout Ă fait. Jâai toujours Ă©tĂ© en minoritĂ©, enfin, la seule meuf noire Ă Dunkerque, Ă Paris â quoiquâon Ă©tait peut-ĂȘtre deux mais je ne pense mĂȘme pas â ou en Ă©cole.
Ăa sâest passĂ© comment en Ă©cole dâailleurs ?
Je sentais la diffĂ©rence matĂ©rielle parce que oui, je pouvais pas assister Ă tous les sĂ©minaires et Ă tous les week-end d'intĂ©gration comme jâavais pas l'argent. Mais jâai trouvĂ© des solutions au fur et Ă mesure.
Et est-ce quâon tâa dĂ©jĂ fait ressentir ce statut ?
Non. AprĂšs je nây ai jamais prĂȘtĂ© attention. Jâai toujours Ă©tĂ© une grosse bosseuse et pensĂ© long-terme. Et in fine, tout sâest rĂ©Ă©quilibrĂ© avec le temps.
Quand jâentends Anissa Ă©voquer lâinflexibilitĂ© de son mode fonctionnement peu importe lâenvironnement social, jâai Ă lâesprit lâĂ©pisode dâĂmotions autour de la confiance en soi avec Navo. Dans ce podcast, on plonge dans la notion de « locus de contrĂŽle ».
Ce « locus », est un mot pirate qui désigne la façon dont on construit notre confiance personnelle.
Avoir un locus de contrĂŽle interne veut dire quâon dĂ©finit notre valeur en fonction de nos envies et besoins personnels. En revanche, le locus de contrĂŽle externe sous-entend que câest le regard que portent les autres sur notre style de nage qui nous forge.
En short (de bain), câest encore une fois lâenvironnement dans lequel on grandit qui influence ce locus. Et outre « poser les conditions de la rĂ©ussite », la stabilitĂ© familiale â dont me parle Anissa depuis le dĂ©but de notre Ă©change lui a aussi permis de dĂ©velopper cette confiance, tout comme le sport ou lâart quâelle pratiquait plus jeune.
snack break - onđĄ
Jâauto-interromps lâĂ©change le temps de piquer une tĂȘte dans deux statistiques.
Le saviez-tu ? đđŸÂ parler Ă©galitĂ© des chances, câest plonger Ă la croisĂ©e des sujets : social, Ă©conomique, et⊠surtout gĂ©ographique. Car oui, il nây a pas que sur les cartes SNCF que Paris est au centre !
De fait, la capitale reste un centre dâentraĂźnement trĂšs Ă©litiste.
MĂȘme si seulement 3% des bachelier·es sont parisien·nes, iels reprĂ©sentent 8% des Ă©lĂšves des grandes Ă©coles â et 26% des plus sĂ©lectives.
Dâailleurs, câest pour rĂ©tablir lâĂ©quitĂ© dans cet accĂšs aux « lignes de nage dâexcellence » que des associations comme Article 1, LâAscenseur ou Chemins dâAvenir ont vu le jour. (Source : Dans les grandes Ă©coles, la diversitĂ© sociale nâa pas progressĂ© depuis 10 ans, une vaste Ă©tude de lâEcole dâĂ©conomie de Paris (IPP, janvier 2021, 308 p), OZP)
snack break - offđĄ
đđŸ Pour rappel, si tu souhaites soutenir le dĂ©veloppement de La piscine â et me donner du baume au cĆur par la mĂȘme occasion â, tu peux :
â Rejoindre le Spa â lâespace de contenu additionnel de la Ploufletter.
đŠ plonger dans lâimpact, brasse par brasse
Comme beaucoup, lorsquâon parle transition ou impact, jâai tout de suite lâimage des discours de jeunes diplĂŽmé·es appelant à « dĂ©missionner de leur ligne de nage » ou « bifurquer ». Mais, ces finalement, ces profils de nageur·ses sont similaires : tous·tes ont les moyens sociaux, culturels, et financiers de sâĂ©lancer dans lâinconnu.
Pour Anissa, avant de sâautoriser Ă bifurquer, encore fallait-il se construire un rĂ©seau et une lĂ©gitimitĂ©. Câest pourquoi, dans un premier temps, celle-ci me raconte sâĂȘtre orientĂ©e vers des grands groupes.
« On parlait des diffĂ©rentes entreprises par lesquelles tu es passĂ©e, est-ce que lâengagement, lâinclusion ou lâimpact faisait dĂ©jĂ partie de tes critĂšres ?
Non, et je pense quâon a pas le mĂȘme parcours quand on a tout ou quand on est parti de rien.
Au dĂ©but, jâai dĂ» construire ma lĂ©gitimitĂ© et ma confiance en passant par des grosses entreprises. Je commençais pas avec les mĂȘmes clefs que mes potes avec qui jâĂ©tais en Ă©cole, jâavais mon prĂȘt Ă rembourser, donc je me suis dĂ©brouillĂ©e.
Et, on met souvent en opposition les valeurs avec lâenvironnement de travail, en parlant de grands groupes plus ou certains types dâinstrustries plus ou moins controversĂ©es ou encore un certain type dâindustrie mais je suis convaincue quâon peut aussi faire bouger des choses en interne. [âŠ] Si je te parle d'Ubisoft par exemple ou de Marriott, la diversitĂ© c'est plus des questions oĂč ce sont des grands groupes qui sont dĂ©jĂ avancĂ©s qui vont le traiter, notamment la neurodiversitĂ© au sein d'Ubisoft par exemple.
Je n'avais pas de position stratĂ©gique pour pouvoir implĂ©menter une certaine vision, mais câest venu avec le temps et les expĂ©riences. Et câest ce que je peux faire aujourdâhui chez Breega »
C'est ensuite, une fois tout ce capital symbolique acquis quâelle me raconte avoir plongĂ© Ă lâaventure en rejoignant Pumpkin â Ă lâĂ©poque encore une jeune startup. Et câest aussi Ă ce moment quâelle a commencĂ© Ă (re)construire sa vision de la rĂ©ussite.
« Et justement, le moment oĂč tu es passĂ©e chez Pumpkin, Ă diverger des projections que tes parents avaient de toi, comment tu en as parlĂ© avec eux ? En fait il y a un moment oĂč quand ils voient que tu es stable, que tu gagnes bien ta vie et surtout que tu es heureux, ils sont contents. »
đđŸ Si le sujet tâintĂ©resse, je tâinvite Ă aller lire mon rĂ©sumĂ© du livre Des paillettes sous le compost dans la bibliothĂšque du spa, lâespace communautaire de La piscine. Prendre ton abonnement permet au mĂ©dia de continuer Ă vivre, et ça, câest coule.
Tu peux Ă©galement aller piquer une tĂȘte dans la Ploufletter Votez courgette â Comment faire sens en pĂ©riode de crise ? ou bien Ă©couter cet Ă©pisode du (feu) Ploufcast oĂč lâon parle Ă©quitĂ© dans lâorientation.
đĄ quelques tips pour plonger
Avant de clĂŽturer l'Ă©change, jâai demandĂ© Ă Anissa quelques tips Ă partager avec toi, tant pour construire son parcours lorsquâon se cherche que pour crĂ©er des opportunitĂ©s. Les voici ! (Tous sont tirĂ©s de son expĂ©rience) đđŸ
đđŸââïžÂ reste toi-mĂȘme, toujours.
â « Je dirais : reste authentique. Il ne faut pas se travestir. Il y a forcĂ©ment des gens diffĂ©rents en termes d'Ă©cosystĂšme, de famille, etc. qui vont pouvoir t'apporter plein de choses et qui partagent les mĂȘmes valeurs que toi. Il faut valoriser la diffĂ©rence, se dire que certes moi je suis diffĂ©rente et j'ai ma diversitĂ© Ă apporter Ă une entreprise, mais elle aussi peut mâapporter » « Il ne faut pas avoir peur d'ĂȘtre le seul diffĂ©rent dans un environnement »
đđŸââïžÂ va Ă la rencontre des gens.
â « Il ne faut pas avoir peur de persĂ©vĂ©rer en allant DM des gens sur LinkedIn, en allant pousser des portes. Il ne faut pas avoir peur ou honte quand c'est pour suivre ses objectifs. Quand tu rentres en Ă©cole, par exemple, aller parler Ă des anciens de l'Ă©cole pour avoir des contacts, etc. Parfois il ne faut pas avoir peur dâĂȘtre un peu pushy. »
â « Je pense que c'est qu'en rencontrant des gens, en Ă©tant curieux, en lisant des livres, en regardant des prises de parole de personnes, en n'ayant pas peur d'aller Ă des afterworks oĂč il va y avoir des gens que tu ne connais pas forcĂ©ment, etc. que tu peux faire des bonnes rencontres et tomber sur des gens qui ont la mĂȘme vision que toi et avec qui tu vas faire plein de choses »
âđŸ Petit ajout pour la team timide ou introvertie, vas y en bande synchronisĂ©e. Ăa soulage pas mal de briser la glace Ă plusieurs et ta batterie sociale se videra plus lentement ! (Ăa fonctionne aussi si tâas la flemme.)
đđŸââïžÂ Prends le temps de sonder les entreprises oĂč tu postules
(Cette question est sponsorisĂ©e par mon angoisse devant lâhomogĂ©nĂ©itĂ© de certaines Ă©quipes sur Whalecome to the jungle. Si tu as dĂ©jĂ mis un orteil sur le site, you know what I mean.)
â « Il faut se rappeler que pour certaines entreprises câest nouveau la diversitĂ©. Et lĂ câest plus essayer de trouver un environnement oĂč tu te sens respecté·e⊠et ouvrir la voie pour les prochaines personnes.
Le plus important câest de voir les valeurs. Jâinsiste sur valeurs et pas culture parce que, par exemple, chez Breega on est aux quatre coins du monde. Ce qui nous rassemble, câest les valeurs, pas la culture [de travail et au sens large, ndlr] »
âđŸ Pour rappel, si tu veux tâimmerger dans la sĂ©curitĂ© psychologique â et apprendre Ă lâĂ©valuer en entretien ou en entreprise â, swim par ici pour te (re)plonger dans la formation (offerte) de La piscine !
đ so what ?
Quand je lui demande ses ambitions, Anissa me parle : transmission, rayonnement, ou encore de sa volontĂ© dâouvrir la voie pour permettre Ă dâautres de pouvoir se projeter et dâouvrir leurs horizons de nage ; comme pour sa sĆur aujourdâhui. Comme si la rĂ©ussite Ă©tait un bĂąton de relai que lâon se passait, ou un prix que lâon se partageait en Ă©quipe.
Cette vision, elle la dĂ©cline aussi au quotidien dans son poste de RH chez Breega oĂč elle a la possibilitĂ© dâavoir un impact en interne.
« Pour moi la transmission autour de lâinclusion [en entreprise, ndlr] se fait de trois façons :
_Dâabord via lâĂ©ducation avec de la sensibilisation, des formations, du partage dâinformation comme on peut le faire chez Breega avec la crĂ©ation dâebook concrets._Puis en mettant en Ćuvre ces principes avec une diversitĂ©, Ă©quitĂ© et inclusion interne, en adaptant ses modes de recrutement pour prendre en compte ces questions6, et surtout en ne laissant rien passer.
_Et, en diversifiant les équipes, en offrant de nouveaux modÚles et en ayant de plus en plus de personnes différentes dans l'écosystÚme, on rend normale la présence de personnes « minoritaires » [guillemets à mimer chez toi].
Câest comme ça quâon arrivera Ă faire bouger les choses. »
Merci encore Ă toi Anissa dâavoir pris le temps de tâasseoir au bord du bassin pour nous raconter ton parcours et hĂąte de voir ce que tu vas mettre en place !
đ swimmer cherche club de nage â job board
Parce que câest nooootre projet.
Ces derniers temps, plusieurs dâentre vous mâont parlĂ© de votre recherche de job / de mission (on est ensemble). Comme je manque de place par ici, jâai crĂ©e un espace dĂ©diĂ© à ça.
Si tâes en recherche â swim par ici â pour le remplir.
Si tu recrutes â swim par lĂ â pour voir les profils. Sache que les profils que tu trouveras sur la base de donnĂ©e sont Ă lâimage de la swimming-team : engagĂ©s et divers. (Si tu souhaites te rendre visible auprĂšs des nageur·ses et publier une annonce, envoie moi un message.)
Spoiler alert, parmi les annonces se cache celle dâune piscine en quĂȘte de fonds đ
âïžÂ quelques ressources pour aller plus loin
đđŸââïž Le livre Lâempathie est politique de Samah Karaki. Je ne lâai pas encore lu mais je reco les yeux fermĂ©s, dâautant plus que sa lecture peut Ă©clairer la maniĂšre dont on dĂ©shumanise les civils Ă Gaza, au Liban et ailleurs.
đđŸââïž Le livre semi-autobiographique Ne reste pas Ă ta place de Rokhaya Diallo qui sâauto-qualifie de « polyglotte sociale » â soit, de transclasse. Son rĂ©cit et ses conseils font Ă©cho Ă plusieurs thĂšmes Ă©voquĂ©s ici.
đđŸââïž Le site et lâinsta du Monde Diplomatique qui posent les mots sur lâactu. Jâaurais jamais pensĂ© les reco un jour, mais ça me rassure de voir des mĂ©dias français aborder lâactu sous un angle dĂ©colonial.
Ăa tâa plu ? Fais passer le mot !
Pour rappel, si tu veux soutenir La piscine tu peux :
đđŸââïžÂ Te rendre visible auprĂšs des swimmers en sponsorisant une Ă©dition.
đđŸââïžÂ Faire un don ou Rejoindre le Spa (lâespace de contenu additionnel).
Ă trĂšs vite pour un nouveau plongeon đ
Apolline
Oui, tu as bien lu. Ceci est un mot valise qui signifie « aléatoire ».
Je me devais de choisir quelqu'un de la région pour introduire le sujet.
Sorry, je nâai pas pu mâen empĂȘcher.
Pumpkin Ă©tait une application de paiement instantanĂ© en ligne rachetĂ© par CrĂ©dit Mutuel ArkĂ©a en 2017. Depuis, lâapplication a fermĂ©.
Câest faux
Par exemple, avant dâaccueillir une nouvelle personne en interne, Anissa prend le temps de se poser avec elle pour lui parler de ces valeurs, charte, et actions mises en place pour sâassurer de la congruence entre les deux parties.