Parle mĂȘme si ta voix tremble - rencontre avec Marcy
Une interview et quelques tips pour prendre la parole sur des sujets engagés.
Avec cette Ă©dition, je te propose de plonger Ă la dĂ©couverte de Marcy Ericka Charollois, confĂ©renciĂšre, consultante et lanceuse dâalerte spĂ©cialisĂ©e dans lâinclusivitĂ© dans la tech. Je te donne aussi quelques tips pour te lancer toi aussi dans le grand bain de la prise de parole.
La Ploufletter est un espace randomadaire oĂč l'on parle sens au travail avec un angle inclusif sur fond de sociologie et mauvais jeux de mots. AthlĂšte confirmé·e ou newbie en brassards, bienvenue đŁ
Tu verras, ici on Ă©voque beaucoup le monde de la natation, alors voici quelques guidelines. La piscine, câest le monde â du travail le plus souvent. La ligne de nage, câest la voie que lâon choisit. Enfin, les nageur·ses, ce sont les personnes qui, comme toi et moi, sont en quĂȘte de sens. Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire !
Tu peux aussi :
Plonger dans mon offre de communication inclusive pour les entreprises.
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Sur ce, bonne sĂ©ance đ
đŁÂ au programme
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Ăditâeau - Briser lâomerta.
« Parle mĂȘme si ta voix tremble » - Portrait de Marcy.
Ă lâeau - Comment construire ta prise de parole engagĂ©e ?
Quelques ressources pour aller plus loin
PS : le format du jour diffĂšre des Ploufletters habituelles : câest un entretien retranscrit â et coupĂ©. Si tu veux Ă©couter lâintĂ©gralitĂ© de notre Ă©change, rdv sur le Ploufcast.
đ Ă©ditâeau
Coucou toi ! JâespĂšre que ton systĂšme circulatoire profite de ce boost hivernal. Ici, ça flotte. Chaque sĂ©ance dâice swimming est prĂ©cĂ©dĂ©e dâun bon quart dâheure dâauto-motivation, ça commence Ă ĂȘtre dur de tenir le rythme.
Mais, passons pour plonger dans le sujet du jour.
« Câest jamais facile de prendre la parole, dâĂȘtre la premiĂšre Ă parler [âŠ]. Il faut quâon soit ensemble. » Florence Mendes, 12/01/24
Nous sommes le 12 janvier 2024, il est 10h. Je dois Ă©crire lâintro de la prochaine Ă©dition de la Ploufletter et mon cerveau freeze. Alors, malgrĂ© mes bonnes rĂ©solutions hebdomadaires â tous les dimanches sont un premier janvier â, je cĂšde encore une fois Ă lâappel de mon tĂ©lĂ©phone pour ouvrir Instagram.
Mais cette fois, pas de scroll. Jâouvre une premiĂšre story et tombe nez-Ă -nez avec Florence Mendes. Dans la vidĂ©o tournĂ©e face cam lâhumoriste, chroniqueuse et autrice belge est au bord des larmes. Sa voix hĂ©site, trĂ©buche sur les mots, puis se brise au fur et Ă mesure de son discours.
Au dĂ©but, je ne comprends pas ce quâil se passe. Câest en lâĂ©coutant que je comprends enfin : Florence vient de briser lâomerta. #metoo standup se lance avec le partage dâune dizaine â aujourdâhui une vingtaine â de tĂ©moignages visant un humoriste connu.
Tu te demande peut-ĂȘtre pourquoi je te raconte ça ? Et bien, passĂ© la surprise, je me suis rendue compte que Florence a expĂ©rimentĂ© que mâa dĂ©crit Marcy de son travail pendant notre Ă©change en bord de bassin. Avec ces rĂ©vĂ©lations, Florence a dĂ©foncĂ© une porte. Elle a lancĂ© un â Ă©norme â pavĂ© dans la mare chlorĂ©e. CrĂ©Ă© un mouvement⊠et subi une levĂ©e de bouclier. Et pour elle comme le standup, câest la suite qui compte :
đđŸââïž Qui va sâengouffrer dans la brĂšche ouverte et plongera Ă ses cĂŽtĂ©s ?
đđŸââïž Qui, Ă lâinverse, tentera de la couler pour maintenir le statu quo ?
đđŸââïžÂ Et comment Ă©voluera le secteur si lâon garde ces enjeux dâĂ©quitĂ© Ă lâesprit ?
Le hasard faisant bien les choses, câest justement le sujet du jour !
đŠÂ quelques chiffres Ă garder en tĂȘte
Marcy fait partie des personnes qui alertent sur les inĂ©galitĂ©s dans le bassin de la tech. Je lâai rencontrĂ© via des co-swimmers qui, voyant mon apprĂ©hension Ă mâexprimer sur de nouvelles thĂ©matiques cet Ă©tĂ© mâavaient recommandĂ© de parler avec elle. Notre premiĂšre rencontre me bluffe. DerriĂšre les rires, nos vĂ©cus se recoupent et nos constats sur lâinclusion dans nos secteurs respectifs se rĂ©pondent. Et, Ă lâinverse de mon hĂ©sitation, je sens dans sa voix la dĂ©termination Ă briser les codes pour faire bouger les choses.
Je tâavais dĂ©jĂ dressĂ© un rapide Ă©tat des lieux sur lâinclusivitĂ© dans lâimpact. Voici quelques chiffres Ă garder en tĂȘte avant de tâimmerger dans notre Ă©change sur la tech.
Le 7 novembre 2023, le Haut Conseil Ă lâĂgalitĂ© a publiĂ© un rapport sur la place des femmes dans le secteur numĂ©rique. On y apprend notamment que 29% des salarié·es du digital sont des femmes en 2022 â dont seulement 22% occupent un poste de direction. C'est peu.
Le chiffre est dâautant plus alarmant si lâon considĂšre que đđŸ
On compte 17% de femmes dans la tech en France (genderscan 2022).
47% des femmes estiment que leur entreprise nâagit pas assez sur la paritĂ© (Women In Tech Study 2023).
Une femme sur deux quitte le secteur avant 35 ans (HCE, 2023).
Maintenant que tu as lâessentiel, fasten your bouĂ©e, weâre about to take off đđŸââïž
See you en fin dâĂ©dition.
Apolline đ
Whale hello Marcy, merci encore dâĂȘtre venue me voir en bord de bassin !
Je vais commencer avec la question que je pose Ă tout le monde en introduction du podcast mais tu voulais faire quoi / devenir qui quand tâĂ©tais plus jeune ?
Oula, c'est dur de rĂ©pondre [rires] ! Jâai voulu ĂȘtre plein de choses, mais le truc qui mâa le plus marquĂ©e, câĂ©tait de devenir journaliste. Ăa a Ă©tĂ© une forme de fil dâAriane dans tout ce que jâai pu faire dans la suite de mon parcours. Mes parents travaillaient dans la presse. Jâavais accĂšs Ă des papiers journaux vierges et jâĂ©crivais dessus mes propres tribunes Ă cinq ans. Alors certes, jâĂ©crivais des trucs en boucle avant de vraiment apprendre Ă lâĂ©cole, mais jâavais dĂ©jĂ lâidĂ©e de mettre une image Ă tel endroit, un gros titre ailleurs.
Câest vraiment un souvenir lointain mais jâai toujours Ă©tĂ© dans la conception journalistique, dire des choses, rĂ©vĂ©ler des choses.
JâĂ©tais trĂšs touchĂ©e par lâactualitĂ©. Je me souviens quâil y avait la question dâinjustices sociales qui Ă©tait quelque chose qui mâintĂ©ressait dĂ©jĂ petite. Dans ma famille câĂ©tait des sujets facilement abordĂ©s de part mon mĂ©tissage. Ăa mettait en avant des disparitĂ©s suivant les individus de notre mĂȘme famille ou alors des disparitĂ©s culturelles suivant les blocs familiaux. Je crois que câĂ©tait vraiment le pilier central [rires].
Loin de couler, la passion de Marcy pour le journalisme a grandi avec le temps. Ă 15 ans, la jeune femme a commencĂ© Ă prendre la parole publiquement Ă la tĂ©lĂ©vision â pour diverses occasions.
Wow, mais comment tâes passĂ© de ces tribunes Ă la tech ? Tu me parlais de WeLoveDevs et, bon, le milieu du dev est un peu hermĂ©tique Ă ces questions alors je me demande : comment tu tâes tournĂ©e vers ce secteur ?
I know girl !
Jâai eu un bac « classique » et fait des jobs « alimentaires » parce que jâĂ©tais dĂ©jĂ dĂ©terminĂ©e Ă aller vers la tech. Je fais partie dâune gĂ©nĂ©ration qui bidouille beaucoup. CâĂ©tait limite normal de toucher Ă du HTML, CSS et regarder ce qui se passait dans un codeâŠ
[Rires] Pas dans mon adolescence.
Alors, je sais que câest une façon de fonctionner disons qui a Ă©tĂ© normalisĂ©e par les personnes qui Ă©taient assez enclines Ă rĂ©diger notamment. Moi câest par le biais des blogs que je me suis lancĂ©e dans le code en cherchant du custom â pour animer, ajouter des images, etc.
CâĂ©tait avec des moyens beaucoup plus⊠nuls quâaujourdâhui [rires].
Et il y avait un biais de genre aussi. Moi tous mes potes Ă©taient des mecs dont les frĂšres Ă©taient dĂ©jĂ en Ă©cole dâingĂ©.
Il y a tout un background Ă ce que je te dis. Mon environnement â mĂȘme si ce nâĂ©tait pas familial â mâa beaucoup aidĂ© Ă avoir un intĂ©rĂȘt pour la tech.
Comme quoi, lâenvie de parler au monde dans la justice sociale, dâĂ©crire, d'avoir des tribunes, de customiser son blog etc. Finalement, petit Ă petit ça a consolidĂ© un lien qui Ă©tait cohĂ©rent. Pour revenir à ça, jâai fait des jobs dits « alimentaires ». Jâai travaillĂ© en tant que manager dans le luxe â dans le retail surtout â mais jâĂ©tais dĂ©terminĂ©e au bout dâun moment Ă me poser les bonnes questions, Ă me demander « bon, vers quoi tâas envie de tendre, vraiment ? » pour la tech. Jâaurais pu ĂȘtre dĂ©veloppeuse mais je cherchais des mĂ©tiers qui pouvaient me permettre dâavoir lâopportunitĂ© dâavoir ce cĂŽtĂ© tribune qui nâĂ©tait pas simple du tout Ă dĂ©terminer.
Fin 2015 jâai fait une reprise dâĂ©tudes complĂšte oĂč je me suis vraiment spĂ©cialisĂ©e dans la comâ digitale, la comâ tech par la suite. Jâavais mis un point dâhonneur Ă faire de la communication numĂ©rique.
En 2019, Marcy rejoint WeLoveDevs â un mĂ©dia et un job board Ă destination des profils tech. Dâabord en alternance en communication et marketing, elle a rapidement pu changer de combi pour endosser le rĂŽle de rĂ©dactrice en cheffe.
Toujours animĂ©e par les questions de justice sociale, Marcy a travaillĂ© Ă mettre au point toute une stratĂ©gie de contenu pour soutenir leur efforts en faveur de lâinclusion dans la tech.
Je suis intriguĂ©e, comment tu dĂ©finissais ces sujets dâinclusion et de diversitĂ© ?
Alors ça a Ă©tĂ© un peu Ă tĂątons, surtout que â pour la prĂ©sentation rapide â je suis une femme blanche, racisĂ©e avec un fort background culturel qui vient de partout dans le monde. Je suis ouvertement LGBTQIA+ et j'ai en plus un handicap invisible donc il y avait toute cette question de moi qui, mine de rien, me servait constamment de rĂ©fĂ©rence.
Il y a aussi cette rĂ©flexion quâon a que lâinclusion c'est magique et câest facile de⊠limite en prononçant le mot, on rĂ©sout des problĂšmes. Câest pas vrai. Câest comme la bienveillance. C'est pas parce quâon dit quâon lâest que câest le cas.
MĂȘme, au contraire. Plus tâas besoin de le dire, plus câest problĂ©matique.
Oui. Moi aujourdâhui je fais partie des personnes qui sont agacĂ©es par le mot inclusion parce que je vois que câest utilisĂ© Ă vide. Ăa me gĂȘne beaucoup. En tout cas, ce qui Ă©tait sĂ»r câest que jâai eu cet engagement personnel â et aussi avec toutes les personnes que jâai pu rencontrer dâailleurs.
Je me disais que mine de rien partir de soi, mettre en avant des profils quâon voit pas souvent dans la tech, câest aussi une façon pour moi de garantir une forme de⊠comment dire, de neutralitĂ© observatrice.
Comment ça ?
Et bien parce que Ă moi-mĂȘme, je peux pas couvrir ou rĂ©pondre rĂ©pondre aux besoins de tout dans la tech. Donc mĂȘme si je partais dâun point de rĂ©fĂ©rence [de mon expĂ©rience, NDLR], jâavais cette posture « neutre ».
Quand je dis ça câest pas du tout que jâavais pas dâavis. Bien entendu que jâai un avis, un opinion âet ça se fait bien savoir sur les rĂ©seaux sociaux [rires]. Ce que je veux dire câest que je ne voulais pas surpasser l'autre avec ma propre expĂ©rience mais vraiment Ă©couter. Je ne vais pas surpasser les gens. Je nâĂ©change pas pour dominer la discussion, jâĂ©change pour comprendre.
Cette posture lĂ , elle est super importante pour choisir les articles, pour choisir les grands engagements quâon pouvait avoir.
Donc pour toi lâinclusion câest avant tout une question dâĂ©coute et dâempathie.
Carrément.
Mes Ă©tudes Ă©taient liĂ©es Ă la communication mais comme je te disais qui Ă©taient trĂšs axĂ©es produit. Jâai eu un parcours Ă un moment trĂšs orientĂ© Product Owner, Product Manager et donc la comprĂ©hension du besoin utilisateur·rice Ă©tait omniprĂ©sente. Mine de rien tant quâon a pas cette posture un peu dâenquĂȘte, de rĂ©flexion du besoin des gens, câest lĂ que câest pas la mĂȘme chose quâun rapport journalistique. CâĂ©tait une de mes spĂ©cialitĂ©s sur ma derniĂšre annĂ©e oĂč jâai Ă©tĂ© franco en faisant Lobbying et Journalisme. Ces options Ă©taient trĂšs intĂ©ressantes pour comprendre la dĂ©marche.
LĂ oĂč, dans le journalisme on va plutĂŽt tâinciter Ă avoir un angle et une voix â typiquement, LĂ©a SalamĂ© câest pas Ălise Lucet. Tu sais que ces deux personnes lĂ ont des façons de communiquer qui sont diffĂ©rentes avec un angle journalistique qui est complĂštement diffĂ©rent. Ăa, jâai appris Ă le maĂźtriser. MAIS quand tu es dans une recherche utilisateur·rice, une recherche de sujets etc., tu nâest pas dans cette posture oĂč ta voix doit surpasser celle de lâautre.
Ultra intĂ©ressant de lier les domaines ! Je le vois pas tant sur le cĂŽtĂ© journalistique puisque jâai pas fait dâĂ©tudes de journalisme, mais plus sur le cĂŽtĂ© design.
Tu sais, sur le double diamant la premiĂšre Ă©tape câest toujours dâaller sur le terrain. Tâes une Ă©ponge, tu fais remonter les besoins avant dâidentifier le problĂšme. Et jâai lâimpression â peut-ĂȘtre que tu auras une rĂ©ponse dâailleurs â que ce travail de terrain et dâĂ©tude est menĂ© par des personnes concernĂ©es.
Du coup comment tu crĂ©es une posture dâĂ©coute en face pour rĂ©pondre Ă ces besoins ? Et comment tu fais en sorte que dâautres personnes â hors de ces personnes minorisĂ©es â sâemparent de ces questions ?
ComplĂštement.
Câest une question qui est trĂšs juste. Câest exactement Ă ce moment lĂ oĂčâŠ. Enfin, ça suit chaque Ă©tape de mon parcours dans la tech. Ce qui sâest passĂ©, câest quâau moment de choisir mes sujets jâai bien compris le problĂšme dâĂȘtre une femme dans la tech.
Ătant moi-mĂȘme une femme, je me suis posĂ© la question si câĂ©tait pas problĂ©matique pour moi dâĂȘtre dans un milieu masculin.
Et petit Ă petit â pas dans mon Ă©quipe directement mais dans lâenvironnement de travail et lâindustrie â jâai bien vu que jâĂ©tais pas traitĂ©e de la mĂȘme maniĂšre quâun mec. Et encore, câest lĂ que lâintersectionnel est trĂšs intĂ©ressant. Câest quâen tant que femme non blanche, en plus LGTBQIA+, je suscitais tout un tas de fantasmes ou de questions liĂ©es au fantasme dans lâimage dâĂpinal. Quand tâes une femme non-blanche dans la tech tu te ramasses de la misogynie et de la fĂ©tichisation.
Câest tout ce cumul lĂ qui mâa fait me dire « ha ouais, yâa vraiment des sujets Ă aborder qui font partie des causes de dĂ©part des femmes dans la tech ».
Câest comme ça quâĂ la base jâĂ©tais dans une posture dâobservation et la deuxiĂšme annĂ©e â celle oĂč jâai vraiment pris les commandes en tant que rĂ©dacâ cheffe, Puis jâai postĂ© des articles sous mon nom oĂč jâavais un angle journalistique. LĂ , ma voix Ă©tait lisible, audible â parce quâon faisait aussi des lives. Et tu savais quâavec moi il Ă©tait question dâune inclusion qui nâĂ©tait pas nĂ©gociable.
Câest Ă ce moment que je suis vraiment passĂ©e dans une posture qui m'a permis par la suite de faire des confĂ©rences. Faut ĂȘtre honnĂȘte, plus tâes affirmé·e, plus tâas des angles qui font preuve dâanalyse et oĂč on sent ta personnalitĂ©, câest vrai que ça te donne un poids et que tu as une voix qui est plus perceptible.
Surtout quâen plus on sait que les femmes dans la tech ⊠Je vais regarder mes notes parce que jâai notĂ© la statâ â sinon jâoublie tout.
Ha, voilĂ ! Câest dans le rapport du Haut Conseil Ă lâĂgalitĂ©. Câest : une femme sur deux qui quitte la tech aprĂšs 35 ans. Je me suis mis entre parenthĂšses « dĂ©jĂ quâil y en avait peu, ça fait pas beaucoup ».
AprĂšs jâavais chinĂ© dâautres chiffres sur lâintersectionnalitĂ© que jâavais trouvĂ© chez Mckinsey cet Ă©tĂ©. CâĂ©tait plus les questions de financement dans la tech mais ça disait que 1,6% des financements allaient Ă des personnes non-blanches â donc noires et latinas. Et aprĂšs 1,8% allait aux femmes.
Quand tu regardes ça tu te dis « c'est rien du tout sur tout le marchĂ© des VCs et des invest' ». Mais quand tu croisais les deux donnĂ©es, je crois quâon Ă©tait Ă 0,2% ou 0,1% des fonds qui allait aux femmes noires ou latinas. C'est dingue. Quand on parle diversitĂ© dans la tech moi je pense avant tout au genre alors quâil y a un monde. Ăa me met Ă terre.
Et, la derniĂšre fois jâai notĂ© « Parle mĂȘme si ta voix tremble ». Comment tâas fait pour passer de cette Ă©tape neutre dont tu parlais Ă te dire « Là ça me semble important de porter mon expĂ©rience et ma voix dans lâespace public » ? Donne moi des tips stp [rires].
Câest une question qui fait Ă©cho Ă des choses trĂšs ancrĂ©es. Il y a un moment oĂčâŠ. La neutralitĂ© câest important. On peut pas toujours ĂȘtre en rĂ©action. On peut pas tout le temps ĂȘtre dans une rĂ©ponse Ă©motionnelle. Le piĂšge de ça câest que finalement il y a aussi cet inconfort dâĂȘtre un individu hors norme dans une norme. Et quand le poids de la neutralitĂ© se fait sentir plus comme un silence imposĂ© quâune tentative de recherche de paix et de conciliation de ce quâon veut, il y a un moment oĂč cette neutralitĂ© lĂ ne peut plus te tenir.
Moi câest comme ça que je lâai vĂ©cu. Ă force de me rendre compte de toutes les injustices vĂ©cues par les minoritĂ©s dans la tech, câessentiel pour moi â mais pas dans un syndrome du sauveur. En plus quand tu le vis toi mĂȘme dans une industrie, tu te dis « mais les gens sont pas entendu·es, sont pas pris·es au sĂ©rieux ». En plus tu vends qui tu es, tu as un poids supplĂ©mentaire qui sâajoute.
Moi jâai lâavantage dâĂȘtre non-blanche racisĂ©e mais jâai la peau relativement claire quand mĂȘme. Ăa peut paraĂźtre bizarre, mais il y a un biais qui sâinduit dans lâĂ©change avec les gens. Je sais que je serais plus audible â mĂȘme si hĂ©las je subis des biais racistes aussi â, mais câest pas le mĂȘme poids, câest pas la mĂȘme chose.
Jâai ris mais câest que dans mon esprit je me disais « on peut pas tout avoir » mais câest âŠ
Exactement ! Câest drĂŽle mais c'est triste en mĂȘme temps. Câest simultanĂ© et câest une rĂ©alitĂ©.
Il y a ce truc lĂ oĂč jâai vite compris que mon poids dans cette industrie pouvait ĂȘtre rĂ©el. Je lâai compris en Ă©crivant davantage dâarticles, en faisant des appels Ă tĂ©moignage sur le sujet. CâĂ©tait pas toujours sur lâinclusion en tant que telle mais parfois sur des aspects plus pratiques. Par exemple « Comment on fait pour lutter contre lâagisme en entreprise lorsquâon est reconverti·e dans la tech ? »
Tu vois, c'est trĂšs local.
Mais ça fait partie de ces sujets dâinclusion aussi. Le fait est que dans la tech jâimagine pas quelquâun de plus de 40 ans alors queâŠ. si.
Et câest plus terrible que ça. Quand tu creuse, lâimage de la personne de plus de quarante ans dans la tech, tu lâas. Mais câest un homme blanc qui a fait ses Ă©tudes dâingĂ© comme il fallait, qui est passĂ© certainement par un poste de CTO, de Senior Lead, qui a fait ses armes en confĂ©rence et qui a bĂ©nĂ©ficiĂ© ou bĂ©nĂ©ficie encore actuellement dâune certaine forme de visibilitĂ©. Ou alors c'est des mecs qui ont inventĂ© des langages et sont encore vivants.
Alors que nous en tant que femmes dans la tech â et je prends le mot femme au sens le plus large possible â on a que des role models mortes. Câest deux poids deux mesures. Donc dâune certaine maniĂšre câest normal que les femmes sâen aillent parce que quand tâas pas de reprĂ©sentation qui peut tâinspirer quand tâes encore vivante, câest trĂšs complexe de se projeter.
En fait on commence par un sujet et on dĂ©tricote. On dĂ©pile tous les sujets qui touchent à « comment câest dâĂȘtre une minoritĂ© dans cet environnement ».
Une fois cette recherche utilisateur·rice menĂ©e, Marcy a dĂ©cidĂ© de quitter sa posture « neutre » pour prendre la parole, partager les vĂ©cus de ses pairs et se positionner en faveur de lâinclusivitĂ© de façon plus militante. Pour ne pas desservir son entreprise, elle a prĂ©fĂ©rĂ© la quitter et se lancer en tant que nageuse indĂ©pendante.
Et quels étaient les retours sur tes différentes prises de parole ?
La levĂ©e de bouclier je lâai vĂ©cue. Je lâai beaucoup vĂ©cue en ayant une exposition publique encore plus importante. Et de fait, câĂ©tait je pense une Ă©tape impossible Ă Ă©viter ou Ă©viter â je te dis ça avec tout le recul que jâai. Parce que quand tu arrives en tant que femme avec autant dâintersections et que tu parles ,câest dur. Comme on disait « parle mĂȘme si ta voix tremble ». Moi jâai des avis qui sont appuyĂ©s et sourcĂ©s.
Et quand tu rĂ©cupĂšres beaucoup de tĂ©moignages dâautres femmes â un peu comme une espĂšce de #metoo â, tu te dis que câest plus possible.
On parle dâune femme sur deux qui sâen va aprĂšs 35 ans dans la tech mais jusquâici combien ont rĂ©sistĂ© ? Combien ont rĂ©sistĂ© pour ĂȘtre lĂ ?
Oui donc la levĂ©e de bouclier, les sujets qui font trembler, ce sont des sujets basiques â et lĂ câest ma subjectivitĂ© qui sâexprime. On parle de respect et dâĂ©galitĂ© des genres. Dans mon esprit ça donnait quelque chose de trĂšs ⊠pas mainstream mais je veux dire, sur Welcome To The Jungle il y a des indices dâĂ©galitĂ© etc. pour moi ça devenait un sujet Ă©tabli.
Câest lĂ oĂč je suis devenue encore plus militante â pas activiste hein, mais militante â en me disant. « Mais en fait on peut pas avoir autant de complications pour des choses aussi simples que du respect ». Et câest lĂ que la neutralitĂ© observatrice ne peut plus durer. Ce nâest pas possible.
Donc oui, j'y suis allĂ©e franco. Et ça revient aux tips sur « comment prendre la parole » mais faut se dire que mĂȘme si on a peur, parfois il faut dĂ©passer cette peur, câest hyper important. Bien sĂ»r il ne faut pas se mettre en danger psychologique ou quoi â on a une seule santĂ© mentale, il faut la prĂ©server. Mais mine de rien, [ne pas] prendre la parole, dire les choses, câest aussi un point sur lequel le groupe homogĂšne dominant de la tech sâappuie pour continuer Ă perpĂ©trer ses avantages.
Moins on parle, moins on est vocal·e, plus on standardise le fait quâil nây a pas de problĂšme puisquâon ne parle pas. On ne parle pas du problĂšme donc forcĂ©ment il nây a pas de problĂšme. C'est pour ça quâil y a beaucoup de mecs qui disent « Yâa pas de problĂšme comme elles nâont jamais parlĂ© de ça ». Oui mais entre femmes on en parle donc câest bien quâil y a un souci.
Je voulais revenir sur ce que tu disais sur ta parole. Tu me disais « la neutralité n'est plus possible et ma parole est devenue militante ».
Câest des questions qui mâhabitent beaucoup en ce moment et qui font partie des mes dĂ©bats quotidiens que les coworkers de La piscine et dâailleurs doivent supporter. Tu as utilisĂ© plusieurs termes : militante, engagĂ©e et activiste. Quelle est la diffĂ©rence que tu fais entre les trois ? Pourquoi tu te considĂšres militante plus quâengagĂ©e ou activiste ? Tu peux mâen dire plus ?
Alors je vais répondre avec subjectivité je pense [rires].
Je le vois vraiment comme une sorte de curseur. Genre yâa le niveau 0, yâa engagĂ©, ensuite yâa militant puis activiste au bout.
Par exemple, ce que tu fais, je pense que par dĂ©finition en effet c'est politique, mais Ă cĂŽtĂ© de ça je te vois plus entre engagĂ© et militant que purement militant. Jâarrive pas Ă âŠ.
Moi je le vois pas du tout comme militant, seulement comme engagé.
Je le vois entre les deux parce que les sujets que tu prends sont quand mĂȘme ⊠Yâa une forme de militantisme dedans mais câest plus politique. Câest lĂ aussi le problĂšme, on a tendance Ă imaginer que tout ce qui est politique est militant. Câest pas vrai.
Surtout que politique câest vraiment ce qui apporte Ă la vie de la citĂ© â enfin lĂ je fais ma grosse littĂ©raire mais câest le cĂŽtĂ© Ă©tymo. Donc tout ce quâon fait, ce quâon dit, mĂȘme lâendroit oĂč tu fais tes courses c'est un truc politique.
Bien sĂ»r. Et dans la politique on a pas que du militantisme. Il y a lâopposition, il y a de la diplomatie. Quand tu fais de la diplomatie tu peux te permettre aussi de ne pas faire de militantisme. Câest aussi un art dâĂȘtre militant sans entrer dans la violence militante.
Donc militant et activiste il y a forcĂ©ment une violence quâil nây a pas dans les autres ?
Oui, clairement. Pour moi le militantisme, c'est lĂ oĂč tu commences Ă avoir ta levĂ©e de bouclier. Pour moi câest lĂ oĂč je suis plus militante. Ăvidemment, dâun point de vue corporate, je suis engagĂ©e. Dans ma vie de tous les jours, je suis engagĂ©e, mais Ă cĂŽtĂ© de ça je ne vais pas hĂ©siter Ă utiliser ma voix et mon image publique pour faire preuve de militantisme et de crĂ©er des rĂ©actions violentes chez les gens.
Ăa veut pas dire que jâai envie de les martyriser. Mais c'est-Ă -dire que les points oĂč je me positionne, parfois, mĂȘme le fait dâĂȘtre le messager ou la messagĂšre dâun message violent fait que par dĂ©faut tu deviens violent·e pour les gens.
C'est-Ă -dire que toi câest Ă la fois dans la rĂ©action des gens et le message est violent. Donc tu es engagĂ©e, mais câest la maniĂšre dont tu transformes ton message ensuite pour le rendre plus percutant qui va le rendre violent ?
Câest ça.
Donc ta marque personnelle est militante et toi tu es engagée.
Exactement. Mais tu vois, Ă cĂŽtĂ© de ça je ne fais pas dâactivisme. Tu me verras pas chez les FEMEN par exemple parce que je me sens pas Ă lâaise dans ce type dâĂ©vĂšnement. Comme des Ă©vĂšnements PETA oĂč tu as des gens qui se mettent nu·es dans des barquettes ou Sea Sheperd hĂ©site pas Ă aller prendre dâassaut des chalutiers
Je suis trÚs admirative de ça parce que ça demande une certaine forme de dénonciation et de courage qui utilise le corps physique. Moi je ne fais pas ça.
Et en mĂȘme temps chacun·e agit Ă son Ă©chelle et en fonction des privilĂšges. Et quâest-ce qui tâa poussĂ© Ă miser sur le militantisme dans ta marque perso plutĂŽt que sur lâengagement ?
Vu que les gens commençaient Ă me connaĂźtre sur cet angle lĂ , câĂ©tait plus cohĂ©rent et sincĂšre que je reste dans cette dĂ©nonciation de faits violents. Câest pour ça que je dis que je suis pas dans la violence. Mais le fait est que quand tu rapportes des faits violents, vraiment, yâa cet effet et ce biais qui induit que toi en tant que messager·e tu devient violent·e par dĂ©finition et tu crĂ©es des rĂ©actions violentes. Câest vraiment ça qui mâa poussĂ© Ă rester lĂ -dessus dans cette cohĂ©rence et sincĂ©ritĂ© que jâavais Ă ce moment prĂ©cis de ma vie.
Jâai arrĂȘtĂ© entre guillemets de mâexposer sur les rĂ©seaux sociaux cet Ă©tĂ© â 2023.
Tâas tenu longtemps sous le feu finalement.
Oui câest vrai. AprĂšs, comme je disais on a chacun·e nos propres limites aussi. On a quâune santĂ© mentale donc câest essentiel dâen prendre soin. Il y a une phase oĂč câĂ©tait important pour ma santĂ© mentale de tenir pour relayer ces messages de cette maniĂšre lĂ â car câĂ©tait plus possible pour moi dâaccepter autant dâhorreurs, ce qui est assez normal dans un acte⊠je dirais pas de rĂ©bellion mais je voulais contrecarrer le statu quo. Je voyais pas pourquoi on remettait pas en questions certaines choses comme le financement facile ou une forme dâhomogĂ©nĂ©itĂ© dans la tech et trouver ça normal et le standardiser et se dire « oui si ces gens ne se plaignent pas on en a rien Ă faire ».
Mais, non. Câest pas possible.
[âŠ]
Yâa peut-ĂȘtre des personnes qui se disent « on sâen fiche, câest des blagues Ă©tudiantes, du bizutage, etc. » Mais le problĂšme câest que quand on a ces personnes lĂ qui sont des adultes grandissants qui vont avoir accĂšs Ă tout ce capital et ouvrir des boĂźtes, quâest-ce que ça donne en bout de course ? Ăa donne un Ă©cosystĂšme et des entreprises qui vont avoir une culture commune.
Ce que jâessayais de rĂ©vĂ©ler dans mes voix plus militantes, câĂ©tait dâessayer de faire comprendre aux gens que quand il y a des personnes issues de minoritĂ©s qui te disent « nous vivons dans un environnement toxique, dans un Ă©cosystĂšme toxique qui ne nous Ă©coute pas », il est important de saisir que tout ça vient de lĂ . C'est culturel. Quand on standardise tout ça, on se retrouve dans des consortiums dâalumni des mĂȘmes Ă©coles qui ont grandit dans les mĂȘmes pratiques qui vont finalement avoir accĂšs Ă tous ces capitaux â parce que câest le rĂ©seau qui prime.
Et en face tu te retrouves avec les personnes minorisĂ©es qui te disent « bon vous auriez pas un petit budget pour nous ? » Câest encore plus terrible parce quâon a lâimpression dâavoir fait une bonne Ćuvre en ayant ouvert un petit budget pour faire plaisir aux minoritĂ©s.
Câest pas de la charitĂ©, quand on parle dâĂ©galitĂ© des chances et que ça fait partie de notre devise, je ne comprends pas quâon puisse accepter tout ce truc lĂ . Câest lĂ oĂč les gens se disent « elle est violente » mais la sociĂ©tĂ© lâest. Je ne fais que relater des faits.
Au-delĂ de la levĂ©e de boucliers, jâen ai aussi profitĂ© pour demander Ă Marcy ce quâelle a pu gagner de ce nouveau positionnement â notamment au niveau collectif. Sa rĂ©ponse ci-dessous đđŸ
Il y a ce truc oĂč quand tâes vocable, tu peux rassembler. Je me dis que je dĂ©fonce des portes pour me dire que plus personne ne puisse poser la question de qui a la clef. Je la dĂ©fonce, les gens sâengouffrent et aprĂšs on pave le chemin ensemble â et câest bien. Ăa me poserait pas de problĂšme de mâeffacer de la tech dans 2, 5 ou 10 ans. Je mets pas dâego dans ce que je rĂ©alise. Ăa a Ă©tĂ© tellement dur ce que je rĂ©alise et ces injustices que je me disais « faut que je prenne la parole ».
La parole des femmes Ă©tait tellement standardisĂ©e sur un certain ton et par une mĂȘme typologie de personnes â le dĂ©lire de lâintersectionnel Ă©tait pas encore connu. Pour moi câĂ©tait Ă©vident que dĂ©foncer ces portes lĂ â en Ă©tant assertive pour me faire Ă©couter et prendre la parole jusqu'Ă ce quâon le fasse. Genre « Si vous ĂȘtes loin, vous inquiĂ©tez pas, je crie » [rires].
Câest lĂ oĂč câĂ©tait une prise de risque, mais je ne mâattendais pas Ă ce quâil y ait autant dâattente, de tĂ©moignages en retour. Ăa a crĂ©Ă© de maniĂšre organique des communautĂ©s â des gens qui ne voulaient plus se taire et vivre ces discriminations. Pour reprendre des termes de la culture française, ça a crĂ©Ă© des petits villages de gaulois·es en train de rĂ©sister [rires].
Câest ça qui est important dâavoir des gens sur qui se reposer.
ComplĂštement ! Câest ça aussi : faut se dire que dans toutes ces individualitĂ©s lĂ qui traversent des trucs pas forcĂ©ment simples, câest dans ces zones lĂ quâil faut aussi faire attention Ă lâĂ©go et reprendre cette posture de neutralitĂ©.
Moi ma parole de femme racisĂ©e non-blanche mais pas noire â mĂȘme si je suis africaine â jâai pas mon mot Ă dire sur lâexpĂ©rience des femmes noires. Je vis pas la mĂȘme chose ou les mĂȘmes enjeux. Je suis personne. Ma voix ne doit pas surpasser celle des gens qui vivent pas les mĂȘmes enjeux que moi, mĂȘme si je dĂ©fonce des portes. Câest toute une gymnastique hyper-importante Ă garder Ă lâesprit. Câest trĂšs facile de retomber dans une logique du triangle de Karpman.
Et maintenant, comment tu concevrais lâinclusivitĂ© ? Jâai en tĂȘte Lily Singh, une vidĂ©aste indo-amĂ©ricano-canadienne â je sais pas le prononcer et je sais pas vraiment comment le dire mais bon. Aujourdâhui elle a son late night show et un des trucs quâelle raconte dans son TED câest quâelle a longtemps cherchĂ© Ă avoir une place Ă la table en prenant de force une chaise pour sây installer et que maintenant elle voit plutĂŽt lâinclusivitĂ© comme le fait dâagrandir la table â voire dâen reconstruire une â ou tout le monde a sa place.
C'est un peu ça le sens de ma question je crois : est-ce que tâestimes avoir trouvĂ© ta place ? Est-ce que tu la cherches encore ? Et comment tu tây prends ? Et nous pour prendre la parole ou passer Ă l'action ?
Je vois le TED dont tu parles, et je me retrouve beaucoup dans son tĂ©moignage. Moi aussi je voulais une place Ă la tablĂ©e et je voulais pousser les chaises pour mâasseoir Ă la table. Mais yâa deux risques : celui de lâintĂ©gration â comment on fait une fois que tâes Ă la table, comment tu participes et gardes ta place ? Et le deuxiĂšme, lâassimilation. La question avec l'assimilation des codes câest : jusquâoĂč tâes capable de gommer ton identitĂ© pour te conformer et la faire jaillir Ă certains moment ?
Câest un peu le piĂšge de lâinclusion. On la voit comme de lâassimilation ou de lâintĂ©gration. Pas nĂ©cessairement. Ăa peut juste ĂȘtre dâaccepter les gens comme faisant partie dâun mĂȘme secteur ou environnement sans quâils aient Ă modifier qui ils sont. Câest des choses Ă garder Ă lâesprit de se dire quâon peut faire partie de la discussion tout en gardant des espaces en non-mixitĂ© qui peuvent permettre de faire avancer des discussions qui sont propres Ă ta propre communautĂ©. Câest important dâavoir ces espaces prĂ©servĂ©s et qui te permettent de challenger soit avec des communautĂ©s croisĂ©es ou des intersections communes sans ĂȘtre dĂ©rangé·es systĂ©matiquement par des prises de parole intempestives qui te remettent systĂ©matiquement Ă niveau ou qui te mettent en doute etc.
Ce qui est trĂšs complexe, câest savoir comment tu trouves ta place et comment tâarrives Ă dĂ©terminer jusquâoĂč tâes capable dâaccepter ou de ne pas tolĂ©rer certaines choses. Et lĂ je te dirais que la rĂ©ponse elle est trĂšs personnelle.
Quant Ă la notion de tokenâŠ
Câest vrai que jâai pas expliquĂ© ce que câĂ©tait ! Alors la tokĂ©nisation, câest lorsquâon prend une personne issue de diversitĂ© â ou plusieurs â et de la brandir comme un totem dâimmunitĂ© sur des questions de racisme, sexisme ou autre quand on parle discriminations.
VoilĂ . Lâeffet pervers de ce truc lĂ , câest que quand tu fais partie du statu quo â donc de la sphĂšre dominante â, il est trĂšs facile de prendre une personne au choix et de faire comme si cette personne reprĂ©sentait toutes les personnes qui lui ressemblent [âŠ].
Mais aucune personne ou parcours parcours ne se ressemblent. Câest super violent cette interchangeabilitĂ©. Il y a aussi Ă lâinverse ce truc de se dire quand tâes solo « jâai lâimpression de reprĂ©senter toute la population dont je suis issu·e ».
Je crois que câĂ©tait LaĂ«titia Vitaud qui en parlait dans un article oĂč elle disait que s'il y avait moins dâun tiers du segment dâune population donnĂ©e reprĂ©sentĂ©e dans un environnement, on collait Ă cette personne tous les clichĂ©s de ce segment.
Plus on a de reprĂ©sentations diverses, plus on peut ĂȘtre soi-mĂȘme en fait.
ComplĂštement. Il y a aussi toute cette incomprĂ©hension de ce quâest lâinclusion au sens oĂč lâobjectif câest pas de faire une pub de United Colors of Benetton [rires]. On en est pas lĂ .
Oui, câest ce que jâai en tĂȘte aussi [rires].
Ăvidemment faut de la reprĂ©sentativitĂ©. Ăvidemment faut dĂ©construire tous les biais. Raconter ces narratifs lĂ , câest aussi on important mais⊠on le voit bien chez Netflix, on a toutes les palettes de lâarc-en-ciel, mais comme c'est Ă©crit par des gens qui nây connaissent rien, câest juste nul et les gens se disent « bah, c'est pas du tout les enjeux quâon vit ».
Et juste, les individualitĂ©s peuvent juste ĂȘtre des individualitĂ©s qui fonctionnent. On est pas toujours dans la lutte quand on est minorisé·e [âŠ].
Lâinclusion câest permettre aux gens dâĂȘtre qui ils sont purement et simplement.
En plus câest tout bĂ©nef'. Ă partir du moment oĂč les personnes minorisĂ©es peuvent ĂȘtre elles-mĂȘmes dans un climat inclusif, toi aussi t'es plus Ă mĂȘme dâĂȘtre toi-mĂȘme. Câest vertueux !
Mais oui !
Je crois que ça fait une conclusion parfaite Ă cet Ă©change. Jâai pas vu le temps passer. Ăcoute, merci beaucoup pour cette discussion au bord du bassin. Pour te suivre câest sur Linkedin, Bluesky et ton site c'est bien ça ?
Yes. Merci Ă toi et Ă bientĂŽt !
đ so what ?
Je ne vais pas ajouter de lâeau au basin â dĂ©jĂ bien rempli. Je clĂŽturerai simplement avec cette info : Marcy propose actuellement des slots gratuits pour dĂ©bloquer une de tes problĂ©matiques liĂ©es Ă la DEI â en entreprise. Plonge les yeux fermĂ©s !
Construire ta prise de parole avec le fear-setting
Si toi aussi tu aimerais â ou hĂ©sites â Ă te lancer dans le grand bain de la prise de parole ? Whale, I got you covered.
Jâai empruntĂ© cet exercice Ă Tim Ferris, gourou penseur et entrepreneur amĂ©ricain notamment connu pour son livre La semaine de 4 heures â oui. Mais loin de moi lâidĂ©e de te transmettre ses tips pour devenir plus productif·ve. Car Tim a aussi rĂ©digĂ© plusieurs articles autour de la notion de peur.
Comment lâexplique bien Marcy pendant lâĂ©change, prendre la parole publiquement et sâengager sur certaines thĂ©matiques, câest sâexposer Ă certains risques. Pour elle, la levĂ©e de boucliers sâest traduit par des insultes des commentaires violents et des menaces. Si Marcy en parle avec lĂ©gĂšretĂ©, câest aussi que lâexposition publique, ça la connaĂźt. Dâailleurs, depuis, elle a rĂ©duit ses prises de parole en ligne â pour prĂ©server sa santĂ© mentale.
Mais peut-ĂȘtre que tes peurs quant Ă la prise de parole diffĂšrent de celles dâEricka ? (Mine do) Je te propose donc un exercice de Tim â initialement utilisĂ© pour fixer ses objectifs â pour dĂ©finir les limites de ta prise de parole potentielle.
Je te laisse te plonger dans le TED de lâauteur avant de passer Ă la pratique đđŸ
Et comme la semaine derniĂšre je tâai fait un template pour tâimmerger dans lâexercice.
Bonne introspection !
đ Â quelques ressources pour aller plus loin
đđŸÂ Le discours de Steve Jobs Ă Stanford en 2005. Il y Ă©voque son exploration jeune et de la crĂ©ation â en creux â dâun fil rouge cohĂ©rent qui lâa menĂ© Ă crĂ©er Apple.
đđŸÂ La ploufletter sur Riz Ahmed autour de lâimportance de la reprĂ©sentation dans la constructions de nos identitĂ©s et ambitions personnelles.
đđŸÂ Je me suis plongĂ©e dans cette amazing sĂ©rie de ballado DĂ©rives. La deuxiĂšme saison explore la quĂȘte de sens sous fond de dâun scĂ©nario de lâenfer Ă coup dâayahuasca, câest passionnant.
âđŸ BAQ â bac Ă question
Jâai reçu un message cette semaine pour savoir si je proposais des ateliers en entreprise pour sensibiliser Ă la DEI. DĂ©jĂ : amazing de prendre Ă cĆur ces sujets et merci pour la confiance !
Jâai dĂ©jĂ rĂ©pondu Ă la personne en question mais je tenais Ă faire une rĂ©ponse collective. Je propose du contenu pour sensibiliser autour de la RSE, QVT, DEI â on crĂ©e un format de newsletter / des guides ensemble ou on organise des confĂ©rences, de tables rondes pour sensibiliser et ouvrir la discussion sur la DEI.
Et si je ne suis pas en mesure de répondre à votre demande, je fais partie de plusieurs réseaux RH donc je pourrais vous rediriger vers un·e autre lifeguard qui pourra vous accompagner.
Again, hereâs my email, so call me maybe.
Ăa tâa plu ? Fais passer le mot !
Ă trĂšs vite pour un nouveau plongeon đ
Apolline
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