Ralentir ou couler

Prendre le temps de construire son parcours de vie

août 06, 2023

Avec cette édition, je te propose de plonger ensemble dans les thématiques de lenteur dans un parcours pro / perso. On explorera tour à tour notre conception sociale de la productivité, l’(in)égalité face au ralentissement et les outils permettant de modérer son rythme.

La Ploufletter est un espace créé par La piscine pour parler quête de sens. Je t’y apporte contenu, ressources et outils pour apprendre à te connaître et construire une voie à ton image. Le tout sur fond de sociologie et mauvais jeux de mots. Athlète confirmé·e ou newbie en brassards, bienvenue 🎣

Tu verras, ici on évoque beaucoup le monde de la natation pour faire référence au fait de se lancer « dans le grand bain » de la vie. La piscine, c’est le monde – du travail le plus souvent. Le couloir de nage, c’est la voie que l’on choisit. Les différentes techniques de nages, les paliers que l’on passe. Enfin, les nageur·ses sont les personnes qui, comme toi et moi, sont en quête de sens. Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire !

Tu peux aussi :

Plonger dans le carnet de jeu À l’eau pour lancer ton introspection,
Profiter de l'été pour faire le point avec le programme introspectif made in La piscine conçu pour guider tes réflexions,
T’abonner à la Ploufletter si on t’a transféré cette édition 👇🏾

Sur ce, bonne séance 🐋

🐟 Avant le plongeon

Coucou toi ! J’espère que tu vas bien et que ton planning estival est aussi (peu) chargé que ton mojito1. À l’heure où tu me lis, je suis certainement en pleine marche sur un sentier côtier, à défaut de pouvoir sortir en eaux libres. Bref, je ralentis. (Ça tombe bien, c’est le sujet du jour.)

Mais avant, quelques actus natatoires 👇🏾

En juillet, La piscine est devenue une association, ce qui veut dire que je peux désormais accueillir des lifeguards bénévoles ! Alors si tu veux : créer du contenu autour de la quête de sens (article ou podcast) et/ou organiser des meetups t’intéresse, envoie moi un email.
En parallèle de cette aventure associative, la ligne édito évolue quelque peu pour se recentrer sur des sujets plus en lien avec l’équité et la durabilité. Il se peut d’ailleurs que le logo de La piscine fasse peau neuve pour accompagner ce changement 👀 Tu peux suivre les dessous de cette mue sur Linkedin si le cœur t’en dit.
Je vous prépare une édition croisée en septembre avec Alvina du média Culs-de-poule. Les maîtres mots seront : égalité, prendre sa place dans un milieu peu diversifié, et survivre dans des environnements de travail difficiles. Pour préparer notre session brainstorm de rentrée, dis moi si tu te poses des questions sur ces sujets en répondant à cet email.

Et maintenant, place à la lenteur !

Fasten your bouée, we’re about to take off🏊‍♀️

🤿 pédiluve

cette plouf-letter est-elle faite pour toi ?

🤚Pour faire cet exercice, il te faudra lever sept doigts. You’re good to read. À chaque affirmation dans laquelle tu te reconnais, abaisse un doigt.

Tu compares la vitesse à laquelle tes proches trouvent / ont trouvé leur voie à la tienne.
Tu te demandes si l'avenir se joue sur cette phrase : Ralentir ou périr.
Tu te demandes si la fast life est faite pour toi….
…. Et comment la combiner avec tes engagements anti-capitaloproductivistes.
Tu te demandes comment ralentir dans un monde où tout se joue au chrono.
Tu aimerais comprendre comment réussite et lenteur peuvent s’accorder.
Tu cherches un comparatif des meilleures bouées pour éviter de sombrer dans un maelström de remise en question pré-rentrée.

Si tu as répondu « oui » à au moins deux questions, ajuste ton masque de plongée, cette édition va te parler !

🐠 pourquoi parler de lenteur ?

Un jour, en pleine session question-réponse à la fin d’une colle de philosophie en prépa, ma prof me lance : « En fait, vous êtes lente ».

Son ton était joyeux. Normal, elle venait de craquer mon code source. Moi, j’étais abattue. À l’époque, j’assimilais la lenteur à une forme d’handicap lesté ou de faiblesse dans la piscine de la vie. Et ce d’autant plus dans un environnement compétitif comme la prépa.

Pendant l’échange, ma prof m’a éclairée sur son point de vue. Pour elle, être au fait de ce fonctionnement plus diesel que Ferrari relevait d’un bel avantage. Au sens où, connaître son mode opératoire permet la création d’une organisation adaptée à celui-ci – et donc plus efficace. Encore confuse, j’ai archivé cette information sans plus y penser.

Depuis, je constate que la quête de vitesse est omniprésente dans notre société. Rapidité dans les évolutions technologiques, nos rythmes de vie, nos modes de consommation…. ou l’orientation. Tout y passe. Pourtant, cette image d’Épinal semble aller à rebours de la construction de nos parcours de nage à l’allure si saccadée. L’incertitude que l’on ressent, les zigzags que l’on effectue dans nos trajectoires tout comme l’exploration de lignes de nage alternatives sont tout autant de manières de questionner la rapidité.

D’où cette envie de creuser ensemble le sujet de la lenteur.

La ligne de flotteurs qui guide l’édition est le témoignage de Mya Berger, Bruxelloise de 25 ans, qui travaille dans le domaine créartistique2. Aujourd’hui Mya est responsable marketing pour le magazine Different Class. Lorsque nous nous sommes rencontrées à l’occasion de Nuits Sonores en 2022, elle travaillait pour Are We Europe . Nous avions connecté sur moult sujets touchant à la paumitude, l’art et l’engagement. Je suis donc super heureuse d’avoir pu échanger avec Mya autour de son rêve de curation, de comparaison, maturation et injonction à la vitesse. Merci encore à toi !

☝🏾 Dans cette Ploufletter, j’évoque souvent la notion de pause. Prends le ici comme la forme ultime du ralentissement mais pas besoin de faire un arrêt (brutal) pour ressentir les bienfaits du slow.

→ Au programme du jour 👇🏾

Les temps modernes : la vitesse comme norme
À la recherche du temps perdu : Ralentir, ce privilège
Pourquoi prendre le temps ?
Le temps retrouvé : le kit ralentissement

Je te laisse avec Mya et toutes les réflexions que cela m’a inspiré, see you en fin d’édition.

Apolline 🐋

🦑 les temps modernes - la vitesse comme norme

Avant de parler lenteur avec Mya, nous nous sommes d’abord concentrées sur la question de la rapidité à laquelle nos vies défilaient aujourd’hui.

le courant s’accélère

La mesure du temps s’est graduellement transformée au fil des âges. À l’antiquité grecque, le temps s’écoulait – littéralement – d’un récipient d’eau pour répartir la parole de manière égalitaire. En parallèle, les romains utilisent le cadran solaire pour segmenter et mesurer leurs journées, toujours de manière approximative.

C’est avec le capitalisme et l’âge moderne que la mesure temporelle s'est progressivement affinée. D’abord avec l’apparition des horloges à cadran pour arriver aux montres numériques actuelles où chaque seconde compte dans le cycle de production.

Aujourd’hui le temps est devenu une denrée si rare qu’il se mesure :

au mois, avec comme base les 35h,
à la journée pour les freelances,
voire même à (la demi) l’heure pour les personnalités les plus controversées.

D’ailleurs, de plus en plus de créateur·rices évoquent le concept de rat race – qui évoque un hamster pris au piège dans sa roue – comme un cercle vicieux dont il faudrait s’extraire à tout prix.

la course au chrono - t’as mis combien de temps à « y arriver » ?

Sur le papier, rien ne vaut la vitesse. Un parcours prestigieux, c’est celui où tout s’enchaîne avec fluidité. Sans pause. Sans accroc. Sans redoublement.

Cette mise en avant des parcours rapides unique modèle de réussite peut donc rend la comparaison rude – et inégale. D’autant plus si l’on évolue, comme Mya, dans un environnement artistique.

« Comme je suis bien connectée aux artistes et curateurs qui réussissent dans mon milieu – souvent parce qu’ils ont de bonnes connections ou beaucoup de talent – , j’ai l’impression d’être en retard, que les choses vont pas assez vite, même si c’est exactement ce que je recherche).
J’oublie que la plupart des gens qui vivent vraiment de leur pratiques artistiques ont au moins 30 ans et j’en ai 25. Et ça me stresse de ne pas avoir de voix ou de projet qui soit à moi et de bosser dans un bureau et de travailler de 9h à 17h comme tout le monde. » Mya pour La piscine

Dans son livre Aliénation et Accélération, Harmut Rosa parle de l’effet aliénant que peut avoir l’injonction à la vitesse sur notre rapport au monde. D’abord parce que penser des « projets de vie » au long court devient sacrément difficile dans un environnement où tout nous pousse à accélérer le rythme en permanence – comment planifier dans ces conditions ? Mais aussi parce que prendre le temps revient à laisser sa place.

D’ailleurs, dans un contexte d’accélération intense et continue, les relations interpersonnelles évoluent à la Squid game : tes voisin·es deviennent tes concurrent·es. Et dans notre imaginaire professionnel, faire moins équivaut à régresser ou laisser sa place dans cette course au mérite. Ainsi, de nombreuses entreprises ayant recours au système de vacances illimitées se sont rendues compte que les employé·es prenaient moins de congés que lorsqu’iels avaient un temps imposé. En cause ? Le rythme de travail intense et la culture productiviste où s’arrêter est mal perçu.

Alors puisqu’il faut progresser pour gagner cette course, identifier puis exploiter son potentiel devient un devoir pour quiconque souhaite réussir. Et s’y refuser est vu comme une tare.

« Cette idée de potentiel me frustre un peu.
Comme si, avec tout ce qu’on m’a donné j’ai la recette du bonheur et de l’accomplissement de soi. Comme j’ai l’air mature, réfléchie et sage, il faut que je sache tout mais j’ai toujours eu l’impression d’avancer à tâtons.
Tout le monde me disait qu’ils ne se faisaient pas de soucis pour moi. J’ai jamais compris pourquoi moi j’ai toujours eu peur en vrai » Mya pour La piscine

C’est à rebours de cette tendance productiviste que Mya a décidé de ralentir, de prendre le temps de stabiliser sa vie professionnelle pour prendre le temps d’explorer la piscine de la vie. Si cette décision la libère (beaucoup) de charge mentale de son côté, son entourage ne le voit pas du même œil :

« Tout le monde autour de moi me disait que j’allais ‘réussir’ comme j’avais toujours un truc intéressant sous la main. Maintenant je sens un peu le jugement des gens.
Je fais un taf bien, je suis indépendante.
Mais c’est pas un truc “noble” dans les gens du milieu dans lequel j’avais évolué. C’est corporate, c’est un peu banal/tout les jours de bosser 9-5 sur un ordinateur. Alors que c’est créatif, et que le plus important c’est que ça me donne de la liberté et de l’assurance et le choix d’être plus légère et de pas essayer de me forcer la tête sur des projets complexes pendant que j’essaie de comprendre qui je suis. » Mya pour La piscine

Comment être surpris·e face à cette réaction puisque dans notre imaginaire professionnel, faire plus est toujours valorisé. Ralentir ou s’arrêter équivalant à une forme de régresser ou d’abandon dans cette course au mérite.

les coûts cachés de la vitesse

Aller vite a certes ses avantages, mais quel est le prix à payer pour rester dans la course ?

Étymologiquement, la rapidité est assimilée à la violence et la destruction3, comme un tsunami balaye tout sur son passage. Penser la vitesse, c’est penser la superficialité – et confort.

1. les vases communicants

La théorie du ruissellement est encore (?) cassée.

Aller vite, c’est laisser de côté certains aspects de la vie qui se développent sur le temps long. C’est aussi l’impression que m’a partagé Mya qui a longtemps favorisé son rêve de curation à sa vie perso.

« Je fais tout très vite. J’ai eu mon master à 21 ans, j’ai écrit une publication à 22 pour un musée, je courais de partout en faisant semblant d’être à la cool.
Ça m’a pas donné le temps de grandir. » Mya pour La piscine

2. « c’est pas moi qui prend une pause, c’est la pause qui me prend » B2H2o

Dans cette économie qui prône la SURproduction autant que la SURconsommation, difficile de faire l’impasse sur la productivité ou le « toujours plus ». C'est justement là que le bât blesse.

Ici, la pause devient un joker. Une bande d’arrêt d’urgence sur laquelle on se gare après avoir trop fait chauffé la machine. Autrement dit, c’est un réflexe de survie. La Youtubeuse Léna Situations, connue pour son adage « PLUS = PLUS » en a elle-même payé les frais lors du lancement de sa marque Hôtel Mahfouf.

« Mon corps a dit stop […]. C’était pas du tout au planning de mon année » nous confie t-elle dans une de ses vidéos sur le sujet.

De fait, la première conséquence, c'est la crampe (la surchauffe), voire même, la noyade (le burnout).

3. dommages collatéraux

Outre ces coûts visibles et directs – comme notre santé, la vitesse engendre une multitude de coûts cachés. Pour ne prendre qu’un exemple : commander sa bouée sur Amazon le matin pour la recevoir le soir entretient les mauvaises conditions de travail dans les entrepôts de l’entreprise. En 2021, cela avait même fait l’object d’un article de VICE lorsque les travailleur·ses avaient dû braver une tempête de neige pour respecter les délais de livraison annoncés par la plateforme.

« On devait aller travailler alors même qu’un l’état d’urgence avait été déclaré.
À quel point les gens désirent-iels leurs pantoufles Amazon ? Vous voulez que je me tue à la tâche - littéralement – pour les recevoir ? » VICE

🐙 à la recherche du temps perdu - ralentir, ce privilège

résiste, prouve que tu existe

Dans notre système capitaliste, ralentir se conjugue au singulier. S’octroyer le droit de faire une pause est individuel et équivaut à créer sa propre bouée dans un océan qu’on traverse à la nage (la vie).

Mais qui peut se targuer de changer de rythme ? Serait-ce comme l’affaire de la grande désertion ?

Début juillet, j’ai donné une conférence en école. Lorsque j’ai sondé l’assemblée sur leurs projets de l’année prochaine, plusieurs nageur·ses ont répondu qu’iels allaient « voyage ». À cela, quelqu'un a répondu – très justement – « encore faut-il avoir les moyens pour le faire ».

S’accorder le luxe de ralentir ou de faire pause – 6 mois, un an, ou plus – c’est avoir les ressources financières, temporelles et sociales pour ne pas être inquiété·e concernant la suite. Que cela concerne :

Le fait de pouvoir puiser dans ses ressources (épargne) ou se précariser volontairement sans en ressentir l’impact,
Le fait de savoir que ralentir le rythme n’aura pas ou peu d’impact sur la suite de son parcours,
Le fait d’avoir confiance en sa capacité à rebondir vite ensuite.

Pour certain·es, prendre ce temps est inconcevable : financièrement, légalement (lorsque notre position géographique est corrélée à notre activité), etc. Il en va de même lorsqu’on bifurque vers une ligne de nage alternative.

Myriam Bahaffou, autrice Des paillettes sur le compost statue que c'est cette inégalité face aux rythmes de vie – et intégration sociale – qui conditionne les rapports de domination perpétués au sein de ces nouvelles organisations. L’effort le plus grand étant fourni par celleux pour qui le retour en arrière est inenvisageable car trop violent.

Pour Mya, résister à l’accélération se situe dans le quotidien, la prévention et le rappel que, productivité et valeur personnelle sont distinctes.

« J’ai un kif de non-productivité radicale !
J’avais fait tout un système quand j’étais au chômage sur comment gérer de ne rien faire et j’essaie de l’appliquer quand ma tête explose.
J’essaie surtout de me rappeler qu’il n’y a rien à atteindre qu’il faut que je profite, que je respire surtout parce que c’est plus important d’être heureux sans rien faire. Je crois profondément que ça ne veut rien dire sur sa propre valeur les “accomplissements”. » Mya pour La piscine

« parce que c’est notre projet »

Penser l’imaginaire collectif du ralentissement et du repos à l’échelle sociale est essentiel pour aller vers une organisation plus saine.

À titre d’exemple, dans la Rome Antique, les temps étaient séparés entre le negotium – le temps des affaires – et l’otium – le temps d’oisiveté. Contrairement à notre société où l’oisiveté et le « rien » sont perçus de manière plutôt négative, les Romains étaient très attachés à ce moment dédié au repos et la culture. L’otium était un temps d’apprentissage, de vagabondage d’esprit et de culture déconnecté de tout agenda mercantile.

Le repos était collectivement pensé hors travail.

Ramené à l’échelle actuelle, penser le repos à un niveau macro est devenu un enjeu à part entière, tant :

pour rendre nos modes de consommation et de production plus durables,
pour rendre nos cultures de travail plus durables,
et ainsi diminuer notre impact sur la planète.

Malgré cet appel à ralentir, la tension productivité / durabilité persiste. Les votes de loi à sur le plein emploi ou la retraite le montrent bien…

💡snack break on

Parlons cinéma, veux-tu ?

Le slow motion est né au XIXème siècle. Mais à quoi sert cet effet ? Le ralenti est un élément narratif à part entière. Comme un soupir avant l’envolée lyrique. Il permet de mettre l’emphase sur une scène, un trait de caractère particulier et indétectable à l’œil nu.

En bon exhausteur, il intensifie les moments romantiques, cringes ou horrifiques, tel une bonne pincée de sel sur un plat fade.

Le slow motion fait partie intégrante de la trame narrative. À titre personnel, je compare cet effet aux silences ou moment de flou dans une conversation. Je me souviens d’un épisode où Mathieu Stefani, l’hôte du podcast Génération Do It Yourself racontait son amour du podcast long pour ces mêmes raisons. Pour lui, la beauté des moments forts de la conversation où l’invité·e se livre réside dans le contraste créé avec le small talk qui précède ou qui suit. Couper ces respirations conversationnelles au montage, c’est dénaturer l’échange et l'affadir.

Ramené à nos trajectoires de vie, prendre une pause, c’est s’octroyer un moment pour prendre du recul, faire le bilan et tirer des plans de nage pour la suite (comme le propose le programme La culbute by La piscine)

💡snack break off

🐡 pourquoi prendre le temps ?

aller lentement avant d’aller vite

Je compare souvent l’orientation et la création d’un parcours de nage au Design Thinking. Cette méthodologie d’innovation américaine formalisée par IDEO repose sur l’alternance de moments dits « de divergence » – où l’exploration et le tâtonnement sont de mise – et des moments de convergence où la production est à l’honneur.

Souvent, on représente la pensée design avec un schéma de double diamant. Pour être honnête, je préfère l’autre schéma, qu’on appelle le Design Squiggle. Littéralement : le gribouilli du design. Comme tu peux le voir à l’image, cette approche matérialise visuellement le temps du chaos inhérent à toute création. D’une certaine manière, c'est sur ces propos que Mya a insisté en fin d’entretien : le besoin de prendre son temps pour tester différents caps de nage et différents bassins. Tant pour apprendre à se connaître que préparer la suite de son parcours de nage.

« Pour la première fois je fais un choix conscient de légèreté, à la place d’essayer de travailler encore et encore pour réussir, pour éviter de sortir en extériorisant un feu interne tu vois.
J’ai ce besoin de vivre ou de faire. Je l’ai souvent transmuté en travail, mais là j’essaie d’investir dans des amitiés, des soirées et même l’amour. » Mya pour La piscine

l’endurance fondamentale

L’alternance entre ces moments de vitesse intense et de stabilité qu'évoque Mya m’a fait penser à l’importance de penser son entraînement de manière holistique. Car si construire la musculature suffisante pour mener le sprint final importe, rien ne vaut l’endurance fondamentale pour s’assurer d’arriver à cette dernière ligne droite.

L’endurance fondamentale, c’est un type d’entraînement qui te permet de travailler sur ton cardio. L’objectif ? Renforcer ton cœur, améliorer ta récupération, et préparer ta machine à encaisser plus de km. Pour cela, il te « suffit » de courir, pédaler ou nager en modérant ton effort sans dépasser une certaine fréquence cardiaque.

Sur le moment, l’exercice peut être très frustrant. Mais c’est justement en te FORÇANT à ralentir la cadence tu poses les fondations de tes futures performances longue distance. Alors, pourquoi ne pas faire comme Mya et se forcer à ralentir ?

« C’est normal, non, à 25 ans de vouloir s’amuser ? Mais c’est comme si j’avais pas le droit, comme si c’était mal et qu’il n’y avait pas le temps.
Alors je veux tout vite pour pouvoir me reposer, mais j’essaie de me reposer en voulant plus lentement. » Mya pour La piscine

👀 so what ?

In fine, aller lentement, c’est donner de l’épaisseur à un récit et construire son personnage. Imagine toi quelques secondes le récit de l’Odyssée si Ulysse était rentré à Ithaque en avion. La planète aurait cramé depuis belle lurette. Pénélope n’aurait pas eu le temps de défaire sa tapisserie, Télémaque serait encore enfant et nous n’aurions pas découvert Circé ou la Méditerranée antique.

Car ce sont dans les péripéties que l’on s’attache à l’histoire, aussi lent son déroulé soit-il.

Il en va de même pour l’orientation. C’est en passant par ces épreuves que l’on progresse brasse après brasse pour muer et acquérir de nouveaux accessoires pour arpenter la piscine de la vie plus sereinement.

Je conclurai avec cette phrase, partagée par Héloïse, elle aussi nageuse dans La piscine : « Je me dis que je prends de l’avance en prenant le temps maintenant. »

🦀 le temps retrouvé - le kit ralentissement

Une fois qu’on s’est dit tout ça, que faire ? Voici donc un kit pour t’en sortir.

1. prends soin de toi au quotidien,

Voici quelques conseils pour calmer l’anxiété de Constance Guyon Desreux, une nageuse avisée spécialisée dans la santé mentale au travail :

→ Limite le sucre et les aliments industriels.

→ Va marcher à proximité de la mer ou de la forêt. Plusieurs études ont montré que les fréquences dégagées ont un vrai effet « calmant ».

→ Tu peux faire des exercices de respiration comme la cohérence cardiaque ou la respiration carrée.

→ Tu peux faire du sport (libère des endorphines très efficaces sur le moral)

→ Enfin, tu peux aller voir un·e pro de la santé mentale. Quand on s’est tordu la cheville on va chez le kiné. Alors n’hésitons pas à faire la même chose pour le mental. Le sujet est encore trop tabou et il n’y a pas de honte, ça nous concerne tous·tes.

Selon une enquête Doctolib de 2021, deux français sur trois ont eu des épisodes très difficiles de santé mentale au cours des derniers mois.

2. écoute toi,

J’ajouterais à tout ceci quelques conseils chlorés made in La piscine :

→ Apprends à lire tes signaux faibles de fatigue – physique et mentale – pour réagir avant la catastrophe.

Pour ce faire, plusieurs solutions. Tu peux analyser ton rythme de vie, tes appétences et les habitudes que tu réalises lorsque tu es dans une période high de ta vie. De cette manière, tu pourras être alerte lorsque cette routine idéale s’effritera et dans quelles mesures.

→ Prends du temps pour toi, quitte à devoir physiquement bloquer un créneau sur ton agenda. Cela peut représenter dix minutes post-dej, une heure avant d’aller te coucher ou une journée chaque week-end, à toi de trouver un rythme tenable sur la durée.

3. et interroge l’injonction à la rapidité.

Enfin, voici quelques questions à te poser avant d’accélérer👇🏾

Ai-je besoin d’aller plus vite ?
La décision de ralentir / accélérer m’appartient-elle ?
Quelle serait la pire conséquence de mon refus d’accélérer ?
Que gagnerais-je à accélérer ? Et à ralentir ?
Qu’est-ce qui me fait peur dans le fait d’aller lentement ?
Quels pourraient-être les dommages collatéraux de ma vitesse ?

J’espère que ces conseils t’aideront à devenir un·e aqua(wo)man de la lenteur ! Si tu souhaites m’en dire plus sur tes habitudes, c’est par ici.

🛠 quelques ressources pour aller plus loin

👉🏾 Aliénation et Accélération de Harmut Rosa.

👉🏾 L’épisode du podcast Plouf🏊‍♀️ avec Ralitsa qui nous explique comment elle est sortie de la logique compétitive pour construire une vie à son image.

👉🏾 L’édition de la Ploufletter Bonjour, vous montez ou vous descendez ? sur la question de la régression sociale.

👉🏾 Le dernier opus de la série de film Work in progress intitulé Why do we even work? de Samuel Durand qui se concentre sur l’organisation de nos modes de travail…. dont les pauses.

👉🏾 Pour prendre un contrepied de l’instantanéité de nos quotidiens, go check la newsletter Rembobine par Timothée Vinchon qui t’emmène faire un tour dans les archives de l’actu’.

👉🏾 Le livre Ralentir ou périr de Timothée Parrique où les liens entre bien-être, résilience et décroissance se tissent plus fort que jamais.

🏊‍♀️ les recos de nageur·ses

Merci la swimming team pour vos recommandations sur le sujet que voici :

👉🏾 La lenteur de Kundera.

👉🏾 L’éloge de la lenteur de Carl Honoré pour se réconcilier avec ce rythme de vie.

👉🏾 L’application Petit Bambou pour se lancer dans la méditation et ralentir entre deux sessions de natation.

👉🏾 Politiser le bien-être de Camille Teste sur l’importance de ralentir et de se créer des oasis de repos.

Ça t’a plu ? Fais passer le mot !

👉🏾 Cette édition a résonné avec ton expérience de nageur·se ? Envoie moi un email si tu souhaites témoigner.

👉🏾 Tu ressens le besoin d’être accompagné·e dans ta réflexion professionnelle ? Tu peux aller découvrir le shop de La piscine ou m’envoyer un email pour échanger sur tes besoins.

👉🏾 Tu fais partie d’une structure éducative / entreprise et les sujets liés à l’orientation et la quête de sens animent vos équipes ? Envoie moi un email pour penser un atelier / conférence ensemble ou relayer une information sur la Ploufletter.

À très vite pour un nouveau plongeon 🐋

Apolline

Tu peux aussi nous retrouver sur instagram : https://www.instagram.com/lapiscine_media/

À toi de voir dans quelle team tu te situes. Tant que tu t’hydrates et que tu mets de la crème solaire, qui suis-je pour juger ?

Oui, j’ai inventé ce mot-valise

Voir le Gaffiot

Ploufletter