Pourquoi avoir moins de choix câest parfois mieux ? Dans son TED et son livre, Barry Schwartz analyse notre sociĂ©tĂ© de consommation et dâinaction... Flemme dây plonger ? Tkt, je lâai fait pour toi !
La Ploufletter est un espace oĂč l'on parle orientation et quĂȘte de sens sur fond de sociologie et mauvais jeux de mots. AthlĂšte confirmé·e ou newbie en brassards, bienvenue đŁ
Tu verras, ici on Ă©voque beaucoup le monde de la natation pour faire rĂ©fĂ©rence au fait de se lancer « dans le grand bain » Ă lâĂąge adulte. La piscine, câest le monde â du travail le plus souvent. Le couloir de nage, câest la voie que lâon choisit. Les diffĂ©rentes techniques de nages, les paliers que lâon passe. Enfin, les nageur·ses sur la planche ou dans le bassin, ce sont les personnes qui, comme toi et moi, sont en quĂȘte de sens. Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire !
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Sur ce, bonne sĂ©ance đ
đ quand plus Ă©gal moins
Lorsqu'on pense Ă la notion de choix, on a souvent tendance Ă se dire que « plus il y a d'options de lignes d'eau, mieux c'est ». Et pourtant, nous avons tous·tes vĂ©cu cette situation oĂč, au moment de choisir notre tenue de nage du jour... on bloque.
Pire, on se dit « j'ai rien Ă me mettre »âŠ. alors que le tiroir ouvert regorge de bouĂ©es aux coloris diffĂ©rents. Et si le problĂšme n'Ă©tait donc pas vraiment « combien d'options se prĂ©sentent-elles Ă nous ? » mais plutĂŽt « combien de possibilitĂ©s nous faut-il pour ĂȘtre capable de prendre une dĂ©cision qui nous convient ? Et quand y en-a-t-il trop ? »
Le choix est l'un des principaux sujets du livre de Barry Schwartz. Mais aussi de son TED talk et des nombreux cours qu'il donne (dispos en ligne, voir les ressources en bas de page). Aujourd'hui, je vous résume tout ça au bord de l'eau.
đŠ mais choisir c'est f*cking difficile non ?
est-ce que plus est vraiment Ă©gal Ă plus ?
Cette phrase est plutĂŽt connue en France, et j'ai trouvĂ© qu'elle illustrait bien la façon dont Barry dĂ©crit la corrĂ©lation qu'on Ă©tablit entre la libertĂ© de choix et la libertĂ© dans nos sociĂ©tĂ©s. Selon l'auteur, la libertĂ© de choix est un prĂ©-requis au bien-ĂȘtre et Ă la libertĂ© elle-mĂȘme. C'est donc pour ça qu'on a tendance Ă associer le fait d'avoir plus de choix Ă celui d'avoir plus de libertĂ©.
Mais de nombreuses recherches montrent que cette équation n'est pas toujours juste. De fait, en surchargeant notre cerveau d'informations sur les possibilités natatoires qui s'ouvrent à nous, on le perd. Ce qui peut donner différentes situations :
L'inaction, soit, le non-choix. Dans le domaine professionnel, c'est typiquement ce que les « bon·nes Ă©lĂšves » peuvent faire en se laissant porter par le courant que leurs notes leur indiquentâŠ
Des mauvais choix. Car si la quantitĂ© d'options prĂ©sentĂ©es augmente, nous devons sacrifier certains de nos critĂšres â ou abaisser nos standards â pour pouvoir gĂ©rer la complexitĂ© qui nous est prĂ©sentĂ©e
Beaucoup de regrets puisqu'on se dit quâon peut toujours faire un meilleur choix (ou en faire un si l'on a Ă©tĂ© atteint·e de paralysie au moment de s'Ă©lancer)
Ce bug est justement au cĆur du travail de Barry et du rĂ©sumĂ© d'aujourd'hui.
« Quand les gens n'ont pas le choix, la vie est presque insupportable. Quand le nombre de choix disponibles augmente, comme avec notre culture de consommation, l'autonomie, le contrĂŽle et la libĂ©ration que cette variĂ©tĂ© apporte sont puissants et positifs. Mais [ndlr: paradoxalement lol], lorsque le nombre de choix ne cesse de croĂźtre, les aspects nĂ©gatifs du fait de cette multitude d'options commencent Ă apparaĂźtre. Et si le nombre de choix augmente encore plus, l'aspect nĂ©gatif s'intensifie jusqu'Ă ce que nous soyons surchargé·es d'informations. Ă ce stade, le choix n'a plus de valeur libĂ©ratrice. Il dĂ©bilise. On pourrait mĂȘme dire qu'il nous tyrannise. » Barry Schwartz, Le paradoxe du choix (livre)
ok, so what?
Parmi les domaines de notre existence qui pĂątissent de cette infinitĂ© de choix, Barry cite celui qui mâintĂ©resse le plus ici : lâorientation professionnelle.
đet plouf ça panique
Beaucoup d'entre nous traversent la fameuse « crise du quart de vie » qui advient lorsque nous avons effectuĂ© les premiĂšres longueurs de notre marathon natatoire. Avant, on parlait de « la crise Ă mi-course », mais les chronos ont changĂ© paraĂźt-il. Ce phĂ©nomĂšne, qui semble ĂȘtre apparu avec les millennials, est dĂ©crit comme Ă©tant « une pĂ©riode d'insĂ©curitĂ©, de doute et de dĂ©ception entourant notre carriĂšre, nos relations et notre situation financiĂšre » selon Alex Fowke (Wikipedia).
En gros, la crise du quart de vie est dĂ©clenchĂ©e par le processus de passage Ă l'Ăąge adulte â appelĂ©Â adulting en anglais. En d'autres termes, cela correspond Ă notre entrĂ©e dans le « monde rĂ©el », aka « la vie active ». Et aujourd'hui, les midtwenties ont un panel de choix de piscine plutĂŽt large.
Certaines des questions (pas si) amusantes, qu'on peut se poser avant de plonger sont : tu te vois oĂč dans 5 ans ? Quel type d'activitĂ© tu te vois faire ? Et dĂ©fendre quelles valeurs ? Avec qui tu te vois vivre ? OĂč ? etc. C'est assez dĂ©routant si l'on considĂšre que jusqu'Ă ce passage en catĂ©gorie nageur·se professionnel·le, nous n'avions pas vraiment eu de choix Ă faire Ă part " Est-ce que je veux avoir de bonnes notes ? Et si oui, comment pourrais-je les obtenir ? ».
Notre arrivĂ©e dans le grand bain â avec les adultes â est la premiĂšre fois oĂč nous allons devoir commencer Ă prendre des dĂ©cisions qui influenceront le reste de notre vie - ou du moins, une grande partie de celle-ci.
mais pourquoi nous ?
Les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes â cc les boomers â nâĂ©taient pas confrontĂ©es Ă autant dâoptions que nous le sommes aujourdâhui. Nos Ă©conomies se sont dĂ©veloppĂ©es, internet sâest dĂ©veloppĂ© et chaque choix que nous avons Ă faire semble alors plus complexe. De mĂȘme que la gĂ©nĂ©ration dâaprĂšs-guerre nâavait pas les mĂȘmes questionnements ni les mĂȘmes causes Ă dĂ©fendre â beaucoup de millennials interrogent nos façons dâhabiter la terre, ce qui motive leur
Pour pousser le raisonnement encore plus loin, pourquoi quelquâun voudrait-iel choisir de toute façon ? Nous savons que, quel que soit notre choix, il pourrait y avoir quelque chose de mieux qui nous attend quelque part.
Les questions sur lesquelles il faudrait se concentrer selon Barry sont alors :
1. Sommes nous une personne qui cherche Ă maximiser ses choix â maximiser â ou quelquâun qui sâarrĂȘte au premier choix correspondant Ă tes critĂšres â satisficer ?Â
2. Comment se sent-on aprÚs avoir pris notre décision finale ?
đĄ maximisers vs. satisficers
mais what?
Pour Barry, « there are two types of people ». Celleux qui veulent toujours prendre la meilleure dĂ©cision objective - les maximisers - et les autres, qui sont prĂȘt·es Ă faire un choix sans regarder en arriĂšre dĂšs qu'iels trouvent quelque chose qui correspond Ă leurs critĂšres initiaux.Un des exemples qu'il dĂ©veloppe dans son livre est le suivant.
Imagine que tu partes faire du shopping. Tu entres dans un magasin, repĂšres une combinaison de nage â pour les jours frais â et tu l'essayes. La piĂšce te va bien, semble pratique et souple. Parfait ! Mais au moment oĂč tu t'apprĂȘtes Ă aller vers la caisse tu te rappelles soudain qu'il y a un autre magasin de natation au bout de la rue qui est rĂ©putĂ© pour ses bonnes affaires.
Si tu es un·e maximiser, tu vas sĂ»rement vouloir y jeter un coup d'Ćil avant d'acheter la combi que tu as entre les mains â qui sait ce que l'autre magasin propose ? Ce serait quand mĂȘme bĂȘte d'acheter cette combi pull s'il existait une option objectivement meilleure Ă proximitĂ©. Hop, ni une ni deux tu fais machine arriĂšre pour aller cacher ladite combi au fond du rayon au cas oĂč tu ne trouverais pas ton bonheur ailleurs â tmtc je fais pareil.
Au contraire, si tu es un·e satisficer, tu plutĂŽt auras tendance Ă te dire « tant pis, cette combi correspond Ă mes besoins, flm de m'infliger une quĂȘte sans fin » et Ă l'acheter quand mĂȘme.
Le point est le suivant : les maximisers sont prĂȘt·es Ă â s'Ă©puiser et â explorer toutes les options qui s'offrent Ă elleux pour faire un choix considĂ©rĂ© comme le meilleur â en absolu. Ă l'inverse, les satisficers choisissent de ne pas se soucier de l'infinitĂ© de choix autour pour se concentrer sur leurs propres envies et/ou besoins. Celleux-ci peuvent sembler comme des personnes qui se contentent de peu aux yeux des premiers. Mais choisir l'option qui correspond Ă ses critĂšres n'Ă©quivaut pas Ă avoir des standards de choix bas. Cela signifie simplement qu'une fois qu'on a trouvĂ© une option suffisamment bonne, on s'arrĂȘte de chercher â inutilement.
Ce qui m'a Ă©tonnĂ©e â pas tant en vĂ©ritĂ© â, c'est qu'il apparaĂźtrait que si les maximisers ont tendance Ă faire objectivement de meilleurs choix - et Ă en tirer plus de bĂ©nĂ©fices -, iels ne sont pas nĂ©cessairement plus heureux·ses. Pour Barry, c'est mĂȘme le contraire.
đ et moi je suis de quel type ?
Dans son livre, Barry avait établit une série de questions pour définir à quel type on appartient. Selon le nombre de points obtenus (on doit noter chaque réponse de 1 à 7 selon si on se retrouve ou non dans la situation), on est soit l'un·e, soit l'autre.
Un petit aperçu:- " Choisir un film à regarder est difficile pour moi, je ne sais jamais quoi choisir - Je suis un·e grand·e fan des classements (les meilleurs films, les meilleur·es chanteur·ses , les meilleur·es athlÚtes, les meilleurs romans, etc.)"et ainsi de suite. (Tu peux trouver l'entiÚreté du test dans le livre Le paradoxe du choix). You might have guessed it en lisant les questions : plus on obtient de points, plus on se rapproche du profil maximiser.
beware though
Ok, tu te retrouves sĂ»rement plus dans un profil de nage que l'autre. Mais attention aux dichotomies ! Barry reconnaĂźt lui-mĂȘme que son comportement « classique » le rattache davantage du type satisficer que maximiser - principalement parce que c'est un nageur pĂ©tri de routines.
Cependant, il admet aussi avoir des cĂŽtĂ©s maximisers dans certains domaines.Assez logiquement, nous nous comportons aussi de cette façon. " Si tout ce qui est disponible Ă nos sens exigeait notre pleine attention toute la journĂ©e, nous ne pourrions pas passer la journĂ©e" (Le paradoxe du choix, livre). Pour faire face à ça, notre cerveau construit donc des raccourcis qui lui permettent de se reposer et de se concentrer sur les choses qui comptent pour nous ou de maniĂšre objective â comme les impĂŽts.
Attention donc Ă ne pas se mettre trop vite dans une case.
Commence par identifier ce qui compte pour toi - les choses pour lesquelles tu es prĂȘt·e Ă donner de ton temps et de ton Ă©nergie - VS. les dĂ©cisions qui te semblent secondaires. Des exemples maybe ? Pour certain·es comme Steve Jobs, rĂ©duire le nombre de dĂ©cisions au cours de la journĂ©e peut inclure des routines comme s'habiller toujours de la mĂȘme façon. Pour d'autres, ça peut passer par le fameux batch cooking (soit la cuisine pour la semaine entiĂšre) le week end pour rĂ©duire les dĂ©cisions liĂ©es Ă la nourriture ensuite, etc.
Perso, je suis aussi adepte des routines. Ma journĂ©e est souvent orchestrĂ©e de la mĂȘme maniĂšre, ce qui me permet de ne pas me concentrer les heures ou le lieu mais plutĂŽt sur la crĂ©ation de contenu. Et comme je suis vraiment encline Ă l'indĂ©cision dĂšs que je peux choisir plus d'une option, avoir des routines prĂ©-dĂ©finies m'aident Ă ne pas tomber dans des spirales de l'enfer.
đ le bonheur serait-il donc un choix ?
En fin de compte, si ce qui compte c'est le sentiment que nous avons face Ă notre dĂ©cision VS. sa qualitĂ©, peut-ĂȘtre devrions-nous nous concentrer sur l'apprentissage de l'Ă©tablissement de critĂšres pour faire de meilleurs choix⊠en suivant notre propre grille !
Pour moi cette compĂ©tence est essentielle, d'autant plus que nous nous dirigeons vers une sociĂ©tĂ© oĂč nous devrons faire des choix de mĂ©tiers dont nous n'avons jamais entendu parler auparavant. Je vois souvent autour de moi que les ami·es qui ont tendance Ă avoir choisi la « bonne » ligne de nage - aka celle qui est la plus louĂ©e socialement - n'est pas toujours Ă©panouissante. Car certes, nager dans les lignes plĂ©biscitĂ©es offre des avantages â notamment financiers â mais cela implique aussi de nouvelles dĂ©penses - pour soutenir un nouveau style de vie oĂč le temps pour se dĂ©fouler ou voir ses proches manque parfois... ce qui peut conduire Ă la dĂ©pression et/ou au burnout.
Et puis, de l'autre cĂŽtĂ© du bassin, je vois ces autres personnes qui ont choisi une option qui pourrait certes ne pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme - socialement - prestigieuse, mais qui, sur leur liste personnelle correspond Ă leurs critĂšres. Ceux-ci peuvent ĂȘtre aussi pragmatiques que « je peux manger Ă la fin du mois et payer mon loyer » qu'abstraits « je peux apprendre sur une base quotidienne / je sens que mes actions contribuent Ă construire un avenir meilleur ». Elleux, en revanche, se sentent souvent plus heureux·ses, mais surtout engagé·es. Cette implication profonde pour leur activitĂ© peur, in fine, leur permettre de (se) dĂ©velopper (dans) leur travail... et atteindre le mĂȘme stade social que les premier·es. Tout ça parce qu'Ă l'origine, iels ont fait un choix en croisant leurs critĂšres et leurs envies.
Alors pourquoi ne pas faire confiance Ă nos Ă©motions plutĂŽt qu'Ă notre rationalitĂ© ? (pas toujours, mais un peu d'Ă©quilibre ne fait jamais de mal. Essayons d'ĂȘtre heureux·se avec « good enough » au lieu de nous Ă©puiser Ă trouver « le meilleur ».
đ Â quelques ressources pour aller plus loin
đđŸ La confĂ©rence de Barry Schwartz au Clermont McKenna College sur le paradoxe du choix â toujours en claquette-peignoir. Sans vouloir spoiler, c'est son livre sous forme de confĂ©rence. Vous pouvez l'Ă©couter comme un podcast en faisant vos longueurs hebdomadaires. Pas mal non ?
đđŸ Son TED talk sur le travail
đđŸ L'Ă©pisode PaumĂ©es now we here du podcast Ploufđââïž ou celui avec Claire qui nous parle de sa paumitude en fin de longueur estudiantine
đđŸ Cialdini sur les biais cognitifs pour mieux comprendre comment notre cerveau construit de nouveaux raccourcis pour Ă©viter la surcharge
đđŸ La sĂ©rie de The curiosity Chronicle sur les biaises cognitives Ă©galement - assez exhaustive. ici pour la premiĂšre partie et ici pour la deuxiĂšme partie
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Ă trĂšs vite pour un nouveau plongeon đ
Apolline
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