La Ploufletter est un espace créé par La piscine pour parler quête de sens. Je t’y apporte contenu, ressources et outils pour apprendre à te connaître et construire une voie à ton image. Le tout sur fond de sociologie et mauvais jeux de mots. Athlète confirmé·e ou newbie en brassards, bienvenue 🎣
Tu verras, ici on évoque beaucoup le monde de la natation pour faire référence au fait de se lancer « dans le grand bain » de la vie. La piscine, c’est le monde – du travail le plus souvent. Le couloir de nage, c’est la voie que l’on choisit. Les différentes techniques de nages, les paliers que l’on passe. Enfin, les nageur·ses sont les personnes qui, comme toi et moi, sont en quête de sens. Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire !
Tu peux aussi :
Plonger dans le carnet de jeu À l’eau pour lancer ton introspection,
Découvrir le programme introspectif de La piscine conçu pour t’aider à trouver ta voie·x,
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Sur ce, bonne séance 🐋
🐟 Avant le plongeon
« La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la vie active » not Proust
Coucou toi 🐋 Comment vas-tu en ces temps de confifi ? Tu arrives à garder la pêche ? Voici une petite musique si le vent te semble frais et que le manque de vitamine D se fait sentir.
Aujourd’hui je te propose de continuer notre lancée en interrogeant notre rapport à l’inactivité. En effet, malgré la diversité des parcours de mes ami·es qui démissionnent ou se reconvertissent ce moment, beaucoup passent par cette période : le chômage. Grâce à leurs semaines / mois / année (?) sans emploi, j’ai pu (re)découvrir que loin d’être anxiogène, le chômage pouvait être perçu – et utilisé – pour certain·es comme un tremplin. C'est d'ailleurs ce dont nous parlera l'athlète du jour dans notre traditionnelle rencontre au bord du bassin.
Ready, set, go 🏊♀️
👋 On recrute des nouveaux nageur·ses. Tu veux rejoindre la team ? c’est par ici
🦀 You better…
On l’a vu dans la dernière édition, travail et identité sont fortement liées dans l’imaginaire collectif. Avec le contexte actuel et le télétravail généralisé, vie privée et vie professionnelle se confondent d’autant plus que nos moments de rencontres et de loisir sont réduits (pour ne pas dire inexistants). Il est donc revenu le temps des 9h-21h (voire plus pour certain·es). Le week-end, autrefois dédié au repos, peut lui aussi se transformer en temps travaillé – puisque pour quelques un·es, cette activité occupe nos cerveaux et nos mains tout en trompant l’ennui.
La situation sanitaire couplée à la crise économique a rebattu les cartes du marché du travail. La rareté des postes ouverts rend donc à l’emploi sa valeur d'antan. Les « je ne vais pas me plaindre, j’ai un travail » fusent, et les démissions reportées (qu’elles soient prévues ou souhaitées), le tout à la faveur de stratégies pour sauvegarder son statut.
Au milieu de ce chaos, une de mes amies a posé sa démission en juillet dernier. Quand j’en parle, beaucoup de gens saluent son courage d'avoir osé quitter un poste en cette période difficile. Pour d'autres, c'est l’incompréhension : pourquoi partir dans un contexte si tendu ? Encore plus lorsqu’après 3 mois de pause, elle se lance dans le théâtre ; secteur touché par la crise. Pourtant, quand elle évoque sa décision, aucune allusion n'est faite à la témérité. Ses mots soulignent surtout « une nécessité de partir ». Dans son analyse personnelle, l’évocation d’un caractère « persévérant » semble expliquer le temps qu’elle a mis avant de demander son graal : la rupture co'.
Son histoire m’a marquée car :
Pour moi, le burn-out était rare et je ne l’associais pas à une population jeune
Partir en temps de crise révèle un profond mal-être au travail, ce qui m’a fait réfléchir au modèle des entreprises "classiques”
J’ai admiré la manière dont cette personne a su tirer profit de l’inactivité pour se trouver ensuite
Tu te demandes peut-être pourquoi je te raconte tout ça : c’est ce partage d'expérience qui m’a poussée à me demander comment se vivait la pause et de quelle manière on pouvait la percevoir (la crise ne fait que mettre en exergue notre relation au travail).
🐙 Le travail c'est la vie (bis)…
… et c'est pas moi qui le dit
Que l’on en ait conscience ou pas, notre emploi reflète sous certains aspects nos valeurs. Comme c’est une des activités qui nous prend le plus de temps (dans les sociétés actuelles du moins), c'est aussi par celui-ci que l’on choisit l’impact que l’on veut avoir sur le monde. Ainsi, dans son livre Activez vos talents, ils peuvent changer le monde !, Matthieu Dardaillon nous enjoint à aligner nos valeurs et notre métier pour avoir un impact positif sur le développement de notre société.
« Il faut arrêter de faire un truc la journée qui détruit tes valeurs. Genre je bosse chez Monsanto, mais j’y vais en vélo » Cyril Dion
Même si je partage ce propos, je dois avouer avoir un peu tiqué en voyant l'accent mis sur la variable travail (au sens activité rémunérée). Or le paysage associatif Français compte à ce jour plus de 16 millions de personnes engagées, ce qui témoigne d’une forte envie de faire bouger les choses au niveau individuel. Mais notre emploi est aussi –et surtout – une donnée structurante de notre journée. Il régit nos heures de lever, travail, loisir, rencontres etc.
Jahoda, chercheuse du XXème siècle lui reconnaît d’ailleurs cinq grandes fonctions :
« Il impose une structure temporelle de la vie ; il crée des contacts sociaux en dehors de la famille ; il donne des buts dépassant les visées propres ; il définit l’identité sociale et il force à l’action » Jahoda, L’homme a-t-il besoin de travail ?
🦑 Et si on s’arrête, ça donne quoi ?
« lors de la fermeture de l’usine en 1930, elle devient presque une ville fantôme. Ayant perdu leur travail, les citoyens de Marienthal ont perdu en fait beaucoup plus que leurs revenus : ils ont perdu leur estime de soi, leur capacité à faire des projets, leurs collègues, leurs relations sociales.” La place du travail dans les identités
Si travailler structure à ce point notre vie, perdre ou quitter notre emploi serait donc synonyme :
De retrait de la société, car les autres sont actif·ves dans le monde du travail duquel on s'est retiré·e
De perte de repères puisque le temps et nos rencontres ne sont plus régulés par des contraintes extérieures
D’oisiveté. Au sens latin, otium – temps libre – s’oppose au negotium – temps d’affaires. Il n'a pas de connotation directement négative et se réfère aussi au temps utilisé pour apprendre / se cultiver (made in le Gaffiot). Aujourd'hui on ne connaît de ce mot que son aspect péjoratif.
Pour résumer, rien de positif à appuyer sur pause… sauf si celle-ci est ostensiblement productive (je pense notamment aux voyages documentés qui sont monnaie courante en année de césure/sabbatique).
Mais sans cela, il est peu étonnant de redouter la pause. C'est dans cette logique que l’on parle souvent du manque de confiance en soi qu’induit le chômage sur ses compétences/qualités à retrouver une activité ensuite. Ginette Herman montre d'ailleurs dans son ouvrage que cette confiance décroit au fur et à mesure que le fossé entre la personne et le marché du travail s’agrandit, soit à chaque candidature refusée.
« On sait combien le regard d’autrui, s’il est négatif, est source de discrédit et entraîne la marginalisation de celui qui en est la victime. Pour qualifier cette situation, Goffman E. a mobilisé le terme de « stigmatisation ». Dans cette perspective, les effets du chômage seraient moins le résultat de processus individuels que la conséquence des images que la société s’est construites à propos des chômeurs […] cette stigmatisation entame profondément la confiance qu’un individu peut avoir en lui-même et l’enferme dans une impasse sur le plan personnel, social et professionnel » Travail, chômage et stigmatisation Chap 2, Ginette Herman
La question devient alors : comment (re)trouver confiance en soi et se réinventer ?
👀 So what ?
Welcome to “le moment corpo”
Well well well, pour conclure je vais simplement vous partager mon expérience (tout ça pour ça, oui). Mon emploi actuel me fait explorer ces mêmes questionnements mais vus de l’autre côté de la vie professionnelle : la retraite. Pendant toute la rédaction je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer le parallèle qu’il pouvait y avoir entre partir en “pause” et en retraite. Rendre les brassards ressemble furieusement à une punition dans les deux cas. Une mise au coin forcée après avoir fait boire la tasse trop de fois à son voisin.
Quitter le terrain de jeu “des grands” ne devrait pourtant pas systématiquement rimer avec perte d’identité, bien au contraire. De nombreuses lignes alternatives existent où chacun·e peut se réinventer, que l’on parle de bénévolat, d'exploration de passion, ou encore de repos - tout simplement.
Je me dis donc que finalement, peu importe la transition, le tout est de bien préparer le virage pour tirer avantage de la coulée.
C'est tout pour moi 🐋 Et maintenant, place à notre athlète du jour👇
« J’ai choisi de faire de cette pause une opportunité »
Notre rencontre d’aujourd’hui s’effectue en mouvement, entre deux bassins. Notre nageuse a récemment choisi de quitter son équipe en lice vers le championnat pour reprendre les bases. Entre longueurs de brasse, matchs amicaux de hockey subaquatique, et autres réjouissances, cette pause musculaire arrive à point pour explorer les différentes disciplines existantes. Elle compte ensuite s’orienter vers celle qui la fait la plus vibrer... plus tard, si le coeur lui en dit.
🐚 Mic on
Coucou ! Merci beaucoup de venir partager ton expérience, first things first, peux-tu me parler de ton parcours ?
Salut ! Alors, comment résumer tout ça ? Disons que j’ai fait…. J’ai découvert les designers dans ma dernière mission, j’adore leur façon de réfléchir et leur esprit orienté utilisateur, alors qu’en conseil on a plutôt tendance à les oublier.
Comment réagit ton entourage depuis que tu as démissionné ?
C’est très étrange. J’ai deux types de personnes dans mon entourage en ce moment. Celles qui sont un peu dans le même état d'esprit, qui comprennent mon envie de faire les choses à mon rythme, d'explorer. Et celles qui me demandent incessamment “t’en es où ? tu as trouvé quelque chose ?"
Je crois que ça me dérange un peu. Quand on me pose ces questions j’ai un peu l’impression que de leur point de vue, ma vie est entre parenthèses aujourd'hui, et qu'elle ne reprendra que quand j’aurai de nouveau un travail. Je pense que d’une certaine manière c’est aussi une façon de projeter leur peur sur moi. C’est sûr que je ne suis pas dans le schéma classique de la “carrière” qu’on nous promet en sortant d’école.
Finalement j’ai décidé de faire de cette pause une opportunité, de me réapproprier cette période. Un exemple simple : je voulais vraiment revenir à Paris. Je ne sais pas pourquoi mais c'est une ville qui me fait vraiment vibrer ! Et bien pendant un moment je me disais “ok, tu trouves un job à Paris et comme ça tu pourras y déménager ensuite. Alors que pas du tout ! Pourquoi attendre pour changer de ville alors que l’inverse aussi est possible ? Du coup, j’y vais dans 2 semaines pour trouver un appartement ! D’ailleurs, si jamais tu as un plan appart, je prends avec plaisir [rires].
Je vois bien ce que tu veux dire sur le fait de se réapproprier cette période. Sans l’avoir vécu, je me souviens d’une personne qui avait peur du chômage parce qu’ayant connu une période d’inactivité, son souvenir lui donnait l’impression d'avoir été écarté de la société d’une certaine façon. Et comment t’est venue cette envie de changement ? Tu t’es réveillée un jour en te disant “c’est bon je pars” ?
Je pense que c’est un processus. Quand je faisais du conseil [rires] Oui, je suis passée par cette case faute de vraiment savoir ce que je voulais faire. Je me souviens d’un jour où j’étais au bureau en train de faire… des slides. Bref, ce jour là, je me suis retournée, et j’ai vu qu’on était tous en train de faire la même chose. On avait tous le même air d’ennui sur le visage. Je crois que c’est à ce moment que je me suis dit “Punaise mais c'est ÇA le bonheur ? Est-ce que je veux vraiment faire ça toute ma vie ?" Un genre de mini-déclic qui a lancé la réflexion.
Et c’est drôle parce qu’aujourd’hui je me rends compte que je me suis beaucoup rapprochée de personnes qui partagent ma vision des choses, mes valeurs. Je pense que c’est un cercle vertueux parce que j’en rencontre de plus en plus de gens qui sont dans cette veine. Je le prends comme une chance.
Tu as tellement raison. Je pense que ton environnement reflète beaucoup qui tu es, donc ça veut dire que tes ami·es t’aident aussi dans cette évolution. Et comme on passe beaucoup de temps au travail, c’est sûrement pour ça aussi que ta réflexion n’était pas aussi mûre ? Surtout que j’ai quand même l’impression qu’on lie énormément travail et identité.
Mais bien sûr. Une des premières questions qu’on pose aux personnes qu’on rencontre c'est toujours “tu fais quoi ?”, ça met une pression énorme !
Il y a une grosse partie éducative sur la façon dont on voit le succès ou notre activité ! Pour moi la rémunération a longtemps eu une place importante dans ma manière d’aborder le travail, d’autant plus que la première question de mon père lorsque je décroche un nouvel emploi est “combien gagnes-tu ?” Il fait partie de la génération qui a toujours travaillé dans la même entreprise. Certaines choses qui lui semblent logiques, voire acquises dans une carrière ne le sont plus forcément. Par exemple, le fait de toujours avoir un meilleur salaire en changeant de poste ou d’entreprise. Ça ne marche pas à tous les coups, surtout si tu changes de secteur etc.
Tu n’as pas pensé à ton changement de vie justement ? Je crois qu’une de mes peurs est de tellement m’habituer à un certain rythme de vie que j’aurais peur de l’abandonner – même quand le job ne me convient plus. Pour être honnête, ça fait partie des raisons pour lesquelles j’évite le conseil.
Alors j’arrive à vivre avec mon salaire de chômage, mais c'est vrai qu’au début je me suis demandée comment j’allais vivre avec cette réduction de moyens conséquente…. Je me suis dit aussi que beaucoup de personnes vivaient sur ce revenu en temps normal. Je crois que tout est une question de changement de perspective et d'ajustement. J’ai revu mes priorités. Je sens bien quelques fois que les gens ne comprennent pas pourquoi je refuse d'avancer des thunes, surtout quand ce ne sont pas des activités qui me donnent envie. En fait, j'essaye surtout de repenser mon mode de consommation pour y insuffler aussi plus de “sens”. Par exemple je réfléchis beaucoup plus en termes de besoin avant un achat. Ça fait que j'achète moins de choses.
Mais c'est vrai que la rémunération est un grand sujet. À un moment, je me disais que c’était aussi ce qui empêchait certain·es de passer le pas d’une carrière de sens. Généralement ces personnes gardent à côté une activité bénévole pour pouvoir nourrir à la fois leur envie de réussite matérielle et celle d'avoir un impact. Mais si tu me posais la question sur mes aspirations aujourd'hui je me rends compte qu'il y a un écart énorme entre le “niveau des salaires” et le milieu ESS. La charge mentale est énorme, le risque de sur-investissement très présent comme ton engagement est directement lié à tes valeurs personnelles. La ligne entre vie pro et perso risque de devenir encore plus fine et c'est assez peu compatible avec mes envies de slow-life.
Pourquoi ne pourrait-on pas conjuguer les deux et trouver une activité pro qui nous épanouit avec une bonne rémunération pour pouvoir s’engager à côté ? Ça permettrait d’atteindre le fameux triptyque de vie pro/ engagement association/ temps de vie pour soi.
C’est super intéressant comme pensée. Je n’arrive toujours pas à savoir où je me situe sur ce débat, je serais ravie qu’on en rediscute. En tout cas, merci beaucoup d’avoir partagé ton expérience. J'espère que tu nous donneras des nouvelles sur ta quête de sens et l’entrepreneuriat. À bientôt !
🐚 Mic off
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👉 Tu ressens le besoin d’être accompagné·e dans ta réflexion professionnelle ? Tu peux aller faire un tour du côté du shop de La piscine ou m’envoyer un email pour échanger sur tes besoins
👉 Tu fais partie d’une structure éducative / entreprise et ces sujets d’orientation / quête de sens animent vos équipes ? Envoie moi un email si tu veux que l’on en discute ensemble
🛠 Quelques ressources avant de se quitter
👉 Pour écouter un témoignage inspirant sur le chômage : le TEDx RuhrUniversityBochum de Tabitha Sindani How unemployment became the ruby in my life
👉 Pour sortir de l’injonction de la productivité → From productivity porn to mindful productivity par Anne-Laure le Cunff (Ness Labs)
👉 Pour creuser tes talents et voir quel métier tu peux faire (ou inventer) : le livre Activez vos talents, ils peuvent changer le monde ! de Matthieu Dardaillon
👉 Une toolbox de l’orientation si tu veux voir ce que j’utilise pour ajouter du chaos dans ma vie d’indécise
À très vite pour un nouveau plongeon 🐋
Apolline
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